samedi 5 décembre 2009

II / IX


Je suis lourd, et pourtant je flotte. Je dérive dans un amas de ténèbres, dans les limbes, des limbes de coton noir. Et du coton, j'en ai dans la gorge, je n'arrive pas à parler, j'ai du mal à respirer, ça me gratte, ça me démange, ça m'étouffe. Mais je ne peux pas le retirer. Je n'arrive pas à bouger. Je n'arrive même pas à ouvrir les yeux. J'ai aussi du coton dans les oreilles, les bruits me viennent étouffés, par bribes, comme provenant d'une vieille et lointaine radio captant mal les ondes émises par la station.
-Mon dieu, il est vivant ?! Dans cet état ?
-Tenez-bon, accrochez-vous !
-Attention on le perd !
-Mais bordel qu'est-ce qui s'est passé ?
-Collision entre deux voitures. Huit morts et un blessé grave en état critique. Trois hommes dans la voiture du blessé, et une famille dans l'autre. Les parents et leur trois gosses. Tous morts sur le coup.
-Mon dieu, il est vivant ?! Dans cet état ?
-Résultat des tests: négatif à la drogue. Positif à l'alcool.
-C'était le conducteur.
-Il les a tué.
-C'était un accident !
-Il les a tué !
-Mon dieu, il est vivant ?! Dans cet état ?
Je suis lourd, et pourtant je flotte. Je dérive dans un amas de ténèbres, dans les limbes, des limbes de coton noir. Je suis un bateau fantôme sans équipage dérivant à l'aveuglette, sans plus aucune sensation. Si ce n'est la douleur. Partout. Omniprésente. Ecrasante. Partout. Coma.

***

1 commentaire:

D'Or Et De Laine a dit…

"Je suis lourd, et pourtant je flotte. Je dérive dans un amas de ténèbres, dans les limbes, des limbes de coton noir. Et du coton, j'en ai dans la gorge, je n'arrive pas à parler, j'ai du mal à respirer, ça me gratte, ça me démange, ça m'étouffe." Dès les premiers mots du tout premier de ces quatre textes,j'ai su que je lirai jusqu'au bout, et là, encore plus.