Mes doigts caressent le bracelet qui enserre mon bras gauche, c'est presque devenu automatique, ils le caressent sans même que j'y pense. Le métal est froid. Il pourrait être brulant, je ne verrais pas la différence, pour moi le froid et le chaud c'est pareil maintenant, c'est rien, ça n'a plus d'importance. J'ai la tête ailleurs. Je reste là prostré dans le lit, sans bouger si ce n'est mes doigts,et laisse le monde tourner autour de moi comme si de rien n'était, et pourtant ça remue à l'intérieur. Mon esprit fait des siennes, fait des vagues, divague, vacille, défaille et déraille, les flash-back s'affolent, se croisent, s'entrechoquent, s'entremêlent, s'unissent, se multiplie pour repartir de plus belle. Les scènes repassent en boucles comme des coups de poignards. Si on retournait ma peau, on verrait de profondes entailles, des lacérations. Il serait peut-être bon de tout arracher, comme cette page qu'on déchire plutôt que de la tourner, parce qu'on ne peut tout simplement pas, la tourner, on en est incapable, on arrive pas à passer le cap, à oublier, les démons nous hantent toujours, alors on arrache on déchire, on croit que ça aidera, la violence plutôt que la douleur, mais on se trompe oh combien on se trompe, parce que notre colère prend vie de notre souffrance, la peine est encore là, plus forte devant notre incapacité vaine à la faire disparaitre, et les démons nous hante toujours. On est plus qu'une épave habitée par nos propres fantômes.
Mes doigts caressent le bracelet qui enserre mon bras gauche, il est trop serré il mord ma chair, mais ce n'est pas bien grave, écorché comme je suis. Ils passent sur la courte chaine puis sur le second anneau métallique lové autour de la rambarde du lit. Deux bracelets de fer reliés, qui unissent, encore mieux que des alliances, et c'est à une rambarde de lit que je suis accroché, pas la main de Lise, oh non, mais à une rambarde de lit. Ils doivent avoir peur que je m'échappe. Pas les médecins, eux ils savent. Mais les deux hommes qui sont venus, les policiers. Il faisait sombre, et le bleu de leur uniforme devenait noir, une tâche d'encre d'obscurité les recouvrait, tout vêtus de noir, de képis noirs, de chemises noires, de pantalons noirs, de pistolets noirs, de bottes noirs, de yeux et de cœurs noirs. Ils m'ont attaché au lit, pour que je ne m'échappe pas. Mais je n'ai pas envie de fuir. Je n'ai envie de rien. Ils m'ont regardé, droit dans les yeux, un rictus sous leur lourde moustache, et leurs yeux riaient aussi, j'ai pu voir un croissant de lune de sourire briller dedans.
Ils vont bientôt m'emmener. A l'Ombre ils ont dit. Leur royaume, l'Ombre. Ils vont m'enfermer dans un des cachots, dans leur forteresse noire. Leur royaume de cauchemar, l'Ombre.
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1 commentaire:
Ils ne peuvent pas l'emmener... pas là, pas comme ça.
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