Papa crie. Encore. Et maman pleure, comme à chaque fois. Ça me fait peur, tout ce bruit, toute cette rage, toutes ces larmes. Alors je me réfugie dans ma chambre. Mais les murs n'empêchent pas, j'entends tout, c'est comme si je les voyais, et c'est encore pire.
J'allume mon petit ordinateur. Bienvenue, qu'il me dit. C'est le premier mot qu'on m'adresse aujourd'hui, et bizarrement, ça me touche. Je lui en suis reconnaissant.
Une page blanche, cadavérique, s'affiche devant moi. Il n'y a bien que la page qui est blanche, parce que dans ma tête, c'est déjà plein de couleurs, de mouvements. De vie.
Les cris du salon s'atténuent, puis s'estompent. Je le sais bien qu'en fait, ça continue là-bas, que ça redouble même de violence, mais je ne les entends plus. D'ailleurs, il n'y a plus de salon, plus de chambre, plus de maison, plus de parents. Juste mes doigts qui pianotent frénétiquement sur le clavier, sans même m'en rendre vraiment compte, et tout ce monde, tout cet univers enfermé dans ma tête qui se libère, qui explose. Je suis entouré par le monde créé.
Et cette sensation qui ne me quitte pas, cette petite boule chaude au creux du ventre et qui gagne de l'ampleur, c'est déjà un brasier, oh mon dieu je prends feu de l'intérieur, je suis un incendie abandonné, un véritable petit incendie abandonné, un incendie de plaisir.
Si maman entrait maintenant, je crois que je lui ferai peur, à taper vite, encore plus vite, au bord de la folie, ravagé par ce feu interne, les traits déformés par la douceur. Oui, je crois que je lui ferai peur.
Mais maman n'entrera pas. Maman n'entrera plus. Aussi vite qu'elle est arrivée, la transe a disparue. Maman s'est tue. C'est papa qui pleure désormais, qui gémit, oh pardon je suis tellement désolé chérie, je ne voulais pas faire ça, je suis désolé oh pardon.
Vite, retrouver l'ordinateur, retrouver mon monde, y rester enfermé, pour toujours, et oublier. Et oublier.
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1 commentaire:
<3
Texte magnifique, j'adore, j'adhère !
(C'est vrai qu'écrire, c'est se créer un monde dans lequel on peut à tout moment se réfugier quand ça ne va pas... et c'est vraiment une chance inouïe !!)
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