samedi 5 décembre 2009

IV / IX


J'émerge de la brume, je sors du brouillard. J'ouvre les yeux. Murs blancs, lumière blanche, draps blancs, bandages blancs. Comme s'ils pensaient que le blanc avait des vertus magiques, guérissait de tout. Ils se trompent. Le blanc, c'est l'absence. L'absence de couleur, l'absence de guérison, l'absence de promesse, l'absence d'espoir, l'absence de vie. Je détourne le regard de ce blanc qui m'écœure, je tourne la tête. Sur la table de chevet, il y a de la couleur, il y a de la vie. Un bouquet de roses orange. Je ne sais pas pourquoi ces fleurs s'appellent des roses, celles qu'on offre ne le sont jamais, rose. Toujours rouges, blanches, ou orange. Mais pas rose. Les roses rose sont laides et si pâles. C'est presque comme si on avait honte qu'elles le soient, et pourtant on les appelle roses. Ca n'a pas de sens. Alors sur ma table de chevet, trône un bouquet d'Oranges. Si rayonnantes. Ce sont des pétales d'incendie, de véritables petits soleils. Je donnerai tout pour qu'elles illuminent un peu cette chambre blanche cadavérique. Mon bouquet d'Oranges.
Posé à plat à côté, un dessin d'enfant. Au milieu d'explosions d'arcs-en-ciel, deux bonhommes et un plus petit se tiennent par la main. Papa Maman Moi Pour Toujours.
Et puis, entre les fleurs et le dessin, une photo. Papa Maman Moi Pour Toujours aussi. Nous sommes allongés sur le sable, Lise et moi nous tenons par la main et Lucas est étendu entre nous deux, en croix, ses petites mains sur nos ventres. On devrait les lui clouer. A nos ventres. Papa Maman Moi Pour Toujours. Plus jamais séparés, quoiqu'il arrive. Papa Maman Moi Pour Toujours.
Je me sens vide, je me sens mal. Ils me manquent. Subitement, ça devient vital qu'ils soient là. J'ai besoin d'eux, maintenant là tout de suite, eux deux, juste eux deux, avec moi sinon j'en crève, maintenant là tout de suite, sinon je vais craquer, devenir fou, pleurer, me fêler, exploser, en crever. Maintenant là tout de suite. Papa Maman Moi Pour Toujours.

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