Pas des larmes de crocodile, ni des larmes amères. Non. Je passe ma langue sur mes semblants de lèvres, et je sens. Mes larmes ont un goût de sel. Un goût de mer. Ce sont des larmes de baleine, de grosses larmes gorgées de sel, le sel de la tristesse, de la détresse, du désespoir. Je pleure des larmes de baleine, des larmes de c'est assez, oh oui c'en est assez. Je hurle. Mon chant de baleine à moi. Je hurle jusqu'à l'épuisement, et puis me tais. Définitivement. Je replonge dans les profondeurs insondables de mes océans. Je me tais définitivement.
Les infirmières me regardent, les yeux remplis de détresse, elle résonne d'ailleurs comme une alarme stridente dans leurs yeux, je l'entends, c'est comme un gyrophare ça illumine et ça tourne dans leurs yeux, la détresse ça se voit, je la vois. Les médecins aussi, ils me regardent un peu comme ça. Pas tous, pas totalement, ils ont encore un espoir, l'espoir de me voir. Lever un bras. Attraper leur fourchette en plastique. Piquer un aliment qui semble fait de la même matière que la fourchette, je suis sûr que la nourriture des hôpitaux a le goût de plastique, j'en suis sûr, même pas besoin de goûter, j'en suis sûr. Et puis l'avaler. Ils aimeraient. Plutôt que ces aiguilles dans mes veines dans mon bras, censées distiller de la nourriture liquide directement dans mon corps. Ils aimeraient.
Ou me voir ouvrir la bouche, et émettre un son, n'importe lequel je crois qu'ils seraient content, ça serait un signe, le signe que, ça serait toujours ça, toujours mieux que ce silence si criant, si écrasant, si effrayant.
Ou voir mes yeux se poser sur quelqu'un, me voir les voir, me voir les regarder, eux, vraiment. Pas ces yeux dans le vide, pas mes yeux dans ce vide abyssale, dans cette abime qui fait peur, parce que mes yeux ne reflètent qu'un trou, un trou sans fond, un trou sans fin, rempli de rien, ou alors de vide, de néant. Et il n'y a pas de vie dans le néant, alors le néant fait peur. Le néant de mes yeux, le néant de mon être.
Ils aimeraient. Mais la volonté se heurte à l'incapacité. Ils se sentent inutile, à ne pas réussir à. Et puis la peur. Ils me le disent avec l'alerte dans la voix, si je continue comme ça, je vais crever, ils en ont peur, que je me laisse crever, et eux qui ne peuvent rien y faire, ils ne veulent pas ça, et pourtant. Je m'en fous. Je peux me laisser crever. Ca n'a plus d'importance. Plus rien n'a d'importance. Plus rien. Plus de désir, plus d'envie. Rien. Le vide. Le néant. Parler, manger, voir. Pour quoi faire ? Je n'en vois plus la peine. Je n'y arrive pas sans même essayer. Je n'en vois pas la peine. Plus rien. Le vide. Le néant.
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1 commentaire:
Le vide,le vide.
Ces mots... tristes, mais tellement beaux, à la fois.
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