mercredi 23 décembre 2009

L'étrange Noël de Mr. Zomby

(Les Gremlins)

Joyeuses fêtes !

Tout plein d'amuuur, de sourires, de rires, de soleils, d'arcs-en-ciel, de chantilly et de Nutella dans vos p'tits coeurs

Je vous aime




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mardi 22 décembre 2009

Ecrire pour exister

Papa crie. Encore. Et maman pleure, comme à chaque fois. Ça me fait peur, tout ce bruit, toute cette rage, toutes ces larmes. Alors je me réfugie dans ma chambre. Mais les murs n'empêchent pas, j'entends tout, c'est comme si je les voyais, et c'est encore pire.
J'allume mon petit ordinateur. Bienvenue, qu'il me dit. C'est le premier mot qu'on m'adresse aujourd'hui, et bizarrement, ça me touche. Je lui en suis reconnaissant.
Une page blanche, cadavérique, s'affiche devant moi. Il n'y a bien que la page qui est blanche, parce que dans ma tête, c'est déjà plein de couleurs, de mouvements. De vie.
Les cris du salon s'atténuent, puis s'estompent. Je le sais bien qu'en fait, ça continue là-bas, que ça redouble même de violence, mais je ne les entends plus. D'ailleurs, il n'y a plus de salon, plus de chambre, plus de maison, plus de parents. Juste mes doigts qui pianotent frénétiquement sur le clavier, sans même m'en rendre vraiment compte, et tout ce monde, tout cet univers enfermé dans ma tête qui se libère, qui explose. Je suis entouré par le monde créé.
Et cette sensation qui ne me quitte pas, cette petite boule chaude au creux du ventre et qui gagne de l'ampleur, c'est déjà un brasier, oh mon dieu je prends feu de l'intérieur, je suis un incendie abandonné, un véritable petit incendie abandonné, un incendie de plaisir.
Si maman entrait maintenant, je crois que je lui ferai peur, à taper vite, encore plus vite, au bord de la folie, ravagé par ce feu interne, les traits déformés par la douceur. Oui, je crois que je lui ferai peur.
Mais maman n'entrera pas. Maman n'entrera plus. Aussi vite qu'elle est arrivée, la transe a disparue. Maman s'est tue. C'est papa qui pleure désormais, qui gémit, oh pardon je suis tellement désolé chérie, je ne voulais pas faire ça, je suis désolé oh pardon.
Vite, retrouver l'ordinateur, retrouver mon monde, y rester enfermé, pour toujours, et oublier. Et oublier.



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samedi 5 décembre 2009

IX / IX

Annexe. Texte de Mademoiselle Chat.

Hôpital des Lumières Mortes. Chambre 113. Elle. Claire Coment. Aide soignante. Lui. Thomas Dariau. Patient. Je me demande parfois ce qu'on voit de moi.

La réponse est simple : rien. Je suis aide-soignante. Et je ne vois rien. Rien d'autre qu'un esprit et un corps meurtri. Rien d'autre qu'un mur infranchissable, gris, noir. Et des barreaux. Des barreaux dans ses yeux. Une cage, hors du monde. Un monstre humain. Je me heurte à un regard embrumé. Brouillard, larmes, souvenirs. Brumes de vie. Les flots déferlent dans ses yeux et m'emportent. Je ne comprends pas. Il ne me demande rien. Ne reproche rien. Seulement contre lui-même. Il s'attaque et se mord. En silence. Sa détresse se mêle à la mienne. Celle de l'incapacité. De l'aide impossible. Des images de scènes inconnues repassent dans ses yeux. Un film d'horreur personnel. Je voudrais lui crier dessus. De partager. De briser le silence. D'expliquer. De hurler, aussi. Ses hurlements ne restent que silence et peur. Sa peur tourbillonne dans la pièce et vous étouffe. Comme on étouffe un cri de douleur. La sienne vous serre la gorge, les poumons et le coeur. Toutes les théories du monde s'arrêtent au premier pas dans cette chambre. Du médical au métaphysique. De la compréhension au respect même. Plus de repères quotidiens, ni les traits physiques, ni le regard, ni la soif de vivre des souffrants qui appelle à l'aide. Il n'y a rien ici qui appelle ou redonnerai espoir. Il n'y a qu'un mur de silence et de honte qui vous plaque au sol et vous claque au visage. Un mur, une barrière, une frontière. L'indicible.

Dédicace: A Hélène, pour son soutien et sa précieuse amitié, inconditionnels évidemment.

VIII / IX


Carte chance: Allez en prison. Avancez tout droit en prison. Ne passez pas par la case Départ. Ne recevez pas 20 000 euros.

Je rentre dans la cellule. Et partout sur les murs, en grandes lettres de sang, tueur tueur d'enfants tueur de père tueur de mère tueur d'amis tueur de famille tueur de bonheur tueur de vie, partout sur les murs ces mots accusateurs. Les geôliers ne semblent rien remarquer, mais moi je vois. La porte se referme derrière moi, me laissant seul avec ces murs, avec ces mots qui me tombent dessus et je courbe l'échine et ploie sous le poids, le poids des mots. Ça me trotte dans la tête, je n'y échappe pas, même quand je ferme les yeux je les vois, et ça me trotte dans la tête, ça me murmure tueur tueur tueur tueur...

A suivre...

VII / IX


Mes doigts caressent le bracelet qui enserre mon bras gauche, c'est presque devenu automatique, ils le caressent sans même que j'y pense. Le métal est froid. Il pourrait être brulant, je ne verrais pas la différence, pour moi le froid et le chaud c'est pareil maintenant, c'est rien, ça n'a plus d'importance. J'ai la tête ailleurs. Je reste là prostré dans le lit, sans bouger si ce n'est mes doigts,et laisse le monde tourner autour de moi comme si de rien n'était, et pourtant ça remue à l'intérieur. Mon esprit fait des siennes, fait des vagues, divague, vacille, défaille et déraille, les flash-back s'affolent, se croisent, s'entrechoquent, s'entremêlent, s'unissent, se multiplie pour repartir de plus belle. Les scènes repassent en boucles comme des coups de poignards. Si on retournait ma peau, on verrait de profondes entailles, des lacérations. Il serait peut-être bon de tout arracher, comme cette page qu'on déchire plutôt que de la tourner, parce qu'on ne peut tout simplement pas, la tourner, on en est incapable, on arrive pas à passer le cap, à oublier, les démons nous hantent toujours, alors on arrache on déchire, on croit que ça aidera, la violence plutôt que la douleur, mais on se trompe oh combien on se trompe, parce que notre colère prend vie de notre souffrance, la peine est encore là, plus forte devant notre incapacité vaine à la faire disparaitre, et les démons nous hante toujours. On est plus qu'une épave habitée par nos propres fantômes.
Mes doigts caressent le bracelet qui enserre mon bras gauche, il est trop serré il mord ma chair, mais ce n'est pas bien grave, écorché comme je suis. Ils passent sur la courte chaine puis sur le second anneau métallique lové autour de la rambarde du lit. Deux bracelets de fer reliés, qui unissent, encore mieux que des alliances, et c'est à une rambarde de lit que je suis accroché, pas la main de Lise, oh non, mais à une rambarde de lit. Ils doivent avoir peur que je m'échappe. Pas les médecins, eux ils savent. Mais les deux hommes qui sont venus, les policiers. Il faisait sombre, et le bleu de leur uniforme devenait noir, une tâche d'encre d'obscurité les recouvrait, tout vêtus de noir, de képis noirs, de chemises noires, de pantalons noirs, de pistolets noirs, de bottes noirs, de yeux et de cœurs noirs. Ils m'ont attaché au lit, pour que je ne m'échappe pas. Mais je n'ai pas envie de fuir. Je n'ai envie de rien. Ils m'ont regardé, droit dans les yeux, un rictus sous leur lourde moustache, et leurs yeux riaient aussi, j'ai pu voir un croissant de lune de sourire briller dedans.
Ils vont bientôt m'emmener. A l'Ombre ils ont dit. Leur royaume, l'Ombre. Ils vont m'enfermer dans un des cachots, dans leur forteresse noire. Leur royaume de cauchemar, l'Ombre.

***

VI / IX


Pas des larmes de crocodile, ni des larmes amères. Non. Je passe ma langue sur mes semblants de lèvres, et je sens. Mes larmes ont un goût de sel. Un goût de mer. Ce sont des larmes de baleine, de grosses larmes gorgées de sel, le sel de la tristesse, de la détresse, du désespoir. Je pleure des larmes de baleine, des larmes de c'est assez, oh oui c'en est assez. Je hurle. Mon chant de baleine à moi. Je hurle jusqu'à l'épuisement, et puis me tais. Définitivement. Je replonge dans les profondeurs insondables de mes océans. Je me tais définitivement.
Les infirmières me regardent, les yeux remplis de détresse, elle résonne d'ailleurs comme une alarme stridente dans leurs yeux, je l'entends, c'est comme un gyrophare ça illumine et ça tourne dans leurs yeux, la détresse ça se voit, je la vois. Les médecins aussi, ils me regardent un peu comme ça. Pas tous, pas totalement, ils ont encore un espoir, l'espoir de me voir. Lever un bras. Attraper leur fourchette en plastique. Piquer un aliment qui semble fait de la même matière que la fourchette, je suis sûr que la nourriture des hôpitaux a le goût de plastique, j'en suis sûr, même pas besoin de goûter, j'en suis sûr. Et puis l'avaler. Ils aimeraient. Plutôt que ces aiguilles dans mes veines dans mon bras, censées distiller de la nourriture liquide directement dans mon corps. Ils aimeraient.
Ou me voir ouvrir la bouche, et émettre un son, n'importe lequel je crois qu'ils seraient content, ça serait un signe, le signe que, ça serait toujours ça, toujours mieux que ce silence si criant, si écrasant, si effrayant.
Ou voir mes yeux se poser sur quelqu'un, me voir les voir, me voir les regarder, eux, vraiment. Pas ces yeux dans le vide, pas mes yeux dans ce vide abyssale, dans cette abime qui fait peur, parce que mes yeux ne reflètent qu'un trou, un trou sans fond, un trou sans fin, rempli de rien, ou alors de vide, de néant. Et il n'y a pas de vie dans le néant, alors le néant fait peur. Le néant de mes yeux, le néant de mon être.
Ils aimeraient. Mais la volonté se heurte à l'incapacité. Ils se sentent inutile, à ne pas réussir à. Et puis la peur. Ils me le disent avec l'alerte dans la voix, si je continue comme ça, je vais crever, ils en ont peur, que je me laisse crever, et eux qui ne peuvent rien y faire, ils ne veulent pas ça, et pourtant. Je m'en fous. Je peux me laisser crever. Ca n'a plus d'importance. Plus rien n'a d'importance. Plus rien. Plus de désir, plus d'envie. Rien. Le vide. Le néant. Parler, manger, voir. Pour quoi faire ? Je n'en vois plus la peine. Je n'y arrive pas sans même essayer. Je n'en vois pas la peine. Plus rien. Le vide. Le néant.

***

V / IX


Le petit tourne la tête vers sa mère, gravement, les sourcils froncés.
-C'est qui ? Il est où Papa ?
Je sens sa confusion, son incompréhension. Je peux même voir le point d'interrogation dans ses yeux. Je le comprends, sa mère lui présente comme son père un homme affalé dans un lit d'hôpital, ce n'est même plus un homme, c'est une épave, un morceau de viande déchiqueté en lambeaux, un puzzle de chair dont les pièces auraient été mal assemblées, c'est une momie, il est recouvert de bandage, c'est un monstre, un monstre qu'on cache comme on peut. Ce n'est même plus un homme. C'est moi.
Mais il est troublé, parce qu'à travers les bandages il voit des yeux, des yeux qu'il connait, à vrai dire les même que les siens, vert pailletés de marron, mais en plus vieux, oui les même yeux mais en plus vieux, les yeux de son père, pourquoi, comment ça se fait, qui es-tu, as-tu mangé mon père, tu lui as volé ses yeux c'est ça, rends-les moi, rends-les lui, rends-moi mon père, je t'en supplies je veux mon père, rends-le moi, maman est triste elle pleure dans les couloirs de l'hôpital elle pleure à la maison quand elle croit que je suis endormi elle pleure mais moi je l'entends à travers le mur elle pleure même des fois comme ça sans prévenir à table ou devant la télé ou dehors quand on joue, rends-lui papa, s'il te plaît, je l'aime mon papa rends-le moi il doit être là me voir grandir m'aimer me protéger de tous les dangers de tous les monstres de monstres comme toi c'est lui qui devait gagner pas toi, recrache-le, pourquoi maman croit que c'est toi papa c'est pas vrai, tu arrives peut-être à tromper maman peut-être à cause des yeux les yeux de papa, mais moi ça ne marche pas ça ne prends pas je suis plus malin que ça plus malin que toi je ne te crois pas tu ne me trompes pas tu n'es pas mon père, recrache-le, régurgite-le, rends-le moi !
C'est un cri, un cri déchirant, un cri muet, le cri de ses yeux, un cri qui me vrille les tympans, m'assomme, me brise le cœur. J'ai mal, un étau m'enserre le cœur, j'ai un poids sur la poitrine, j'ai du mal à respirer, je cherche un nouveau souffle. Pendant que je dormais anesthésié, ils m'ont ouvert le ventre et l'ont rempli de pierres, j'en suis sûr, puis recousu, refermé ni vu ni connu, j'en suis sûr, je ne suis pas une momie en fait je suis le Grand Méchant Loup et je me sens lourd, pesé, écrasé. Et je détourne les yeux. Trop mal, trop honte. Je ne suis plus son père, je ne suis plus le modèle, celui qui papa quand je serai grand je voudrais faire toi, je ne suis plus celui qui lui lisait des histoires avant de s'endormir, celui qui l'accompagnait chaque matin à l'école en lui tenant la main, celui qui vérifiait chaque soir sous son lit et dans le placard s'il n'y avait pas de monstres et récitait une formule magique juste au cas où, celui qui le regardait dormir en souriant, celui qui s'inquiétait aux moindre toussotements, nez qui coulent, pleures, stabilisateurs de vélo enlevés, égratignures, bobos, celui qui frottait sa joue à lui à la barbe (re)naissante contre sa joue, celui qui l'aimait, celui qui. Je ne suis plus son père. Je le lis dans ses yeux. Pour lui, je suis un étranger, un inconnu, pire, celui qui a pris la place de son père, qui l'a tué, remplacé. Un imposteur. Un monstre.
Je ne suis plus.

-Thomas, mon chéri... (elle éclate en sanglot) Je... Je suis désolée, mais...
Elle se tait, ou plutôt elle ravale les paroles qui pourraient encore sortir, parce que c'est inutile ça serait toujours la même litanie alors elle ravale ses mots, les étouffe dans sa bouche, et elle se tait. Elle est épuisée elle n'en peut plus elle se sent vide vidée de l'intérieur, mais elle tient bon. Elle essuie ses yeux d'un revers de la main, mais elle est trahie, ses joues sont encore humides d'une récente rosée, d'une averse au goût de sel, ses yeux sont toujours rouges et noyés sous les larmes et le flot n'est retenue que par une mince barrière une barrière invisible mais qui tient bon elle aussi c'est un barrage de fortune mais qui ne cèdera pas. Elle fait sa brave, mais je vois bien. Elle souffre, ça se voit, et je souffre avec elle, j'ai l'impression qu'on m'enfonce des doigts glacés dans le cœur. Elle a retenue sa respiration, même le temps semble s'être arrêté tout autour, instantané fixé figé. Et elle tourne les talons, me tourne le dos. Elle ne respire toujours pas, et elle fait un pas, puis un autre. En apnée. Lentement, comme si elle avait peur que le sol s'effondre sous elle, mais il tient bon. Elle ne comprend pas que c'est le mien de sol, que c'est mon monde, qui s'effondre. Elle avance. Un pied devant l'autre, un pas après l'autre. Elle franchit le cadre de la porte, et là, elle se dégonfle comme un ballon de baudruche, expulse tout l'air retenu dans ses poumons, ça y est c'est fait, c'est terminé. Je suis sûr qu'elle ferme les yeux. Pas besoin de voir, je le sais. Elle les rouvre, et le monde lui paraît légèrement différent, elle ne saurait dire en quoi, mais il lui paraît différent, dans la perception qu'elle en a, différent, je le sais ça aussi. Elle est sortie de ma chambre. Elle est sortie de ma vie. Elle rejoint l'obscurité du couloir et ses ombres, pour en devenir une elle-même. Sans même un regard en arrière. Je ne la vois plus. Elle s'est sortie de ma vie.
Je me sens lourd. Et brisé. A l'intérieur. Je le sens, quelque chose cloche. A l'intérieur. Et je comprends, je suis aussi ravagé dehors que dedans, et ça fait mal, encore plus mal peut-être bien, infirmière de la morphine pour mon cœur s'il respire encore s'il bat encore, de la morphine, je ne sais pas je ne sais plus, un caillou bloque tout je me sens mal, oui un caillou enraye la machine, ça fait mal, trop mal, ça bloque tout et je n'arrive plus à respirer, tracé plat sur l'encéphalogramme je sombre.

***

IV / IX


J'émerge de la brume, je sors du brouillard. J'ouvre les yeux. Murs blancs, lumière blanche, draps blancs, bandages blancs. Comme s'ils pensaient que le blanc avait des vertus magiques, guérissait de tout. Ils se trompent. Le blanc, c'est l'absence. L'absence de couleur, l'absence de guérison, l'absence de promesse, l'absence d'espoir, l'absence de vie. Je détourne le regard de ce blanc qui m'écœure, je tourne la tête. Sur la table de chevet, il y a de la couleur, il y a de la vie. Un bouquet de roses orange. Je ne sais pas pourquoi ces fleurs s'appellent des roses, celles qu'on offre ne le sont jamais, rose. Toujours rouges, blanches, ou orange. Mais pas rose. Les roses rose sont laides et si pâles. C'est presque comme si on avait honte qu'elles le soient, et pourtant on les appelle roses. Ca n'a pas de sens. Alors sur ma table de chevet, trône un bouquet d'Oranges. Si rayonnantes. Ce sont des pétales d'incendie, de véritables petits soleils. Je donnerai tout pour qu'elles illuminent un peu cette chambre blanche cadavérique. Mon bouquet d'Oranges.
Posé à plat à côté, un dessin d'enfant. Au milieu d'explosions d'arcs-en-ciel, deux bonhommes et un plus petit se tiennent par la main. Papa Maman Moi Pour Toujours.
Et puis, entre les fleurs et le dessin, une photo. Papa Maman Moi Pour Toujours aussi. Nous sommes allongés sur le sable, Lise et moi nous tenons par la main et Lucas est étendu entre nous deux, en croix, ses petites mains sur nos ventres. On devrait les lui clouer. A nos ventres. Papa Maman Moi Pour Toujours. Plus jamais séparés, quoiqu'il arrive. Papa Maman Moi Pour Toujours.
Je me sens vide, je me sens mal. Ils me manquent. Subitement, ça devient vital qu'ils soient là. J'ai besoin d'eux, maintenant là tout de suite, eux deux, juste eux deux, avec moi sinon j'en crève, maintenant là tout de suite, sinon je vais craquer, devenir fou, pleurer, me fêler, exploser, en crever. Maintenant là tout de suite. Papa Maman Moi Pour Toujours.

***

III / IX


J'ai le vertige. Sensation de tomber dans un gouffre sans fond. Un abîme sans fin. Une chute libre, un saut à l'élastique sans élastique, rien pour nous arrêter, rien pour nous remonter, rien où s'écraser. Je tombe. Je tombe dans ma tête, à l'intérieur de moi-même. Je crois que c'est à cause du choc. De la surprise.
L'autre, en face là dans le miroir, c'est moi. Enfin, à ce qu'il paraît. C'est ce qu'on essaie de me faire croire. Pourtant, je ne me reconnais pas. Je le regarde depuis des heures, et rien. Ni chaud ni froid. Rien. Je le leur dis, aux autres là autour. Les médecins me cherchent des excuses, c'est normal après un accident de cette violence, ça laisse des séquelles, des cicatrices. Sur le visage et dans la tête. Ils me disent qu'avec le temps je m'y ferai.
Tu parles. Moi je sais. L'autre, en face là dans le miroir, qui me regarde maintenant depuis un moment, ses yeux dans mes yeux, c'est pas moi. Je le sais. C'est pas moi. L'autre, il a sacrément pris. Le visage surtout. Comme si un semi-remorque lui était passé dessus. C'est pas beau à voir. C'est pas moi.
Taisez-vous, vous autour. C'est pas moi. Moi je sais. C'est pas moi. Je me connais. Moi je sais. Et là, je ne me reconnais pas. C'est pas moi. Non, l'autre, en face là dans le miroir, c'est pas moi.

***

II / IX


Je suis lourd, et pourtant je flotte. Je dérive dans un amas de ténèbres, dans les limbes, des limbes de coton noir. Et du coton, j'en ai dans la gorge, je n'arrive pas à parler, j'ai du mal à respirer, ça me gratte, ça me démange, ça m'étouffe. Mais je ne peux pas le retirer. Je n'arrive pas à bouger. Je n'arrive même pas à ouvrir les yeux. J'ai aussi du coton dans les oreilles, les bruits me viennent étouffés, par bribes, comme provenant d'une vieille et lointaine radio captant mal les ondes émises par la station.
-Mon dieu, il est vivant ?! Dans cet état ?
-Tenez-bon, accrochez-vous !
-Attention on le perd !
-Mais bordel qu'est-ce qui s'est passé ?
-Collision entre deux voitures. Huit morts et un blessé grave en état critique. Trois hommes dans la voiture du blessé, et une famille dans l'autre. Les parents et leur trois gosses. Tous morts sur le coup.
-Mon dieu, il est vivant ?! Dans cet état ?
-Résultat des tests: négatif à la drogue. Positif à l'alcool.
-C'était le conducteur.
-Il les a tué.
-C'était un accident !
-Il les a tué !
-Mon dieu, il est vivant ?! Dans cet état ?
Je suis lourd, et pourtant je flotte. Je dérive dans un amas de ténèbres, dans les limbes, des limbes de coton noir. Je suis un bateau fantôme sans équipage dérivant à l'aveuglette, sans plus aucune sensation. Si ce n'est la douleur. Partout. Omniprésente. Ecrasante. Partout. Coma.

***

I / IX


Les larmes du cétacé



La roue tourne, dans le vide, sans s'arrêter, inlassablement...

Il fait nuit. Il est tard. Ou tôt, cela dépend du point de vue. Il fait nuit. La route défile, insensiblement toujours la même, ligne droite, virage, ligne droite, nuage de brume, ligne droite, virage, ligne droite. Toujours la même. La même route, la même lumière jaune des phares qui découpe l'obscurité, les même bords de route herbeux et le fossé à côté, la même désolation partout. Tout semble endormi. Coup d'œil dans le rétroviseur. Même les deux gars assis derrière, Alex et Damien, le sont. Pas étonnant, après cette soirée de fous. Je remarque un filet brillant de bave dégouliner sur le menton et la veste d'Alex, et je souris. 28 ans et ils dorment toujours comme des gamins.
-Regarde la route bon sang Tom...
Marc, à côté de moi, repique du nez, s'enfonce à nouveau dans ce doux sommeil cotonneux. Mes yeux me piquent, et une de mes mains lâche le volant pour les frotter un peu. Ils se ferment tout seul, et un instant j'ai peur, j'ai l'illusion de ne pas réussir à les rouvrir. Et pourtant si, j'y parviens, je les ouvre bien grand. Cette petite victoire me rassure. Je n'ai pas sommeil non. Je me sens parfaitement bien. A vrai dire, je me sens vivant. J'ai l'impression de ne pas avoir ressenti ce sentiment-là depuis longtemps, très longtemps. Trop longtemps. Depuis la fac je crois. Ca fait peur quand j'y songe, toutes ces années passées dans un semblant de vie factice, un trompe-l’œil pour masquer la vérité: l'ennuie et la peur et la mort. Mais ce soir non, je me sens vivant. Je suis vivant. Je crois que je pourrais décrocher la lune sans problème, les yeux fermés.
Les yeux fermés. Fermés...

Les coups de klaxons à répétition me sortent de ma torpeur. La lumière en face de moi m'aveugle, c'est comme si on braquait deux gros projecteurs dans mes yeux. Crissement de pneus. Marc s'est réveillé en sursaut et se tourne vers moi, les yeux agrandis par la peur, la bouche béante, épouvanté. Je comprends trop tard.
Le choc est épouvantable. Tout explose autour de moi, l'air est changé en bris de verre, et un énorme marteau frappe mon corps, coupe ma respiration dans un effroyable bruit de tôle froissée lacérée déchiquetée. On dirait qu'on éventre un paquebot. Plus rien n'est à sa place, le ciel est en bas, la route en haut, mes cheveux pendent dans le vide, le sang me monte à la tête, et l'asphalte se rapproche de plus en plus, le ciel goudronné nous tombe sur la tête. On s'écrase. Je suis arraché de mon siège, aspiré par le froid extérieur, je suis éjecté violemment dehors. Je m'écrase.

Le froid est pénétrant, violeur, il s'insinue en moi comme une épidémie s'insinue dans un corps, se propage, annihile toute trace de vie pour ne laisser au final qu'un cadavre. C’est à la fois brûlant et anesthésiant. Je n’arrive plus à bouger, pris au piège, je ne sens plus mon corps, seulement cette brûlure atroce qui, j’en ai la certitude, va finir par me consumer entièrement. Je veux hurler mais je n’y arrive pas. Je veux pleurer mais je n’y arrive pas. J’ai peur. J'ai froid. J'ai un drôle de goût dans la bouche, un goût de fer, de sang, de bitume.
Dans un effort qui m'épuise, je parviens à bouger les yeux, et c'est bien la seule chose que j'arrive à bouger. Mon dieu, est-ce que mes dents du haut mordent vraiment le goudron ? Où est le reste de ma mâchoire ? Je tourne mes yeux vers ma droite, le plus possible, quitte à me les sortir des orbites, et je vois. Mes jambes forment un angle bizarre, je ne devrais pas pouvoir les voir et pourtant elles sont bien là, sous mes yeux. Une longue, très longue trainée de sang part de mon visage et s'étale sur des mètres. Une carcasse de fer compactée, compressée, qui ressemble vaguement à une voiture retournée, les roues en l'air, l'une d'entre elle tournant encore, est échouée sur le bord de la route, et un peu plus loin, une autre petite baleine métallique dont le squelette est à nu par endroit émet un long bruit grave, sans doute un cri d'agonie de baleine, ç'en est presque drôle on dirait le bruit continu d'un klaxon écrasé par un poids mort. Et partout, autour de moi, sont-ce des débris de verre, ou bien les larmes cristallisées du cétacé ?
J'ai peur. J'ai froid. A l'intérieur de moi. A vrai dire, j'ai l'impression que mon intérieur ne l'est plus tant que ça. Je lève les yeux au ciel. La lune, d'une blancheur spectrale, irradie une lumière blafarde, et les étoiles tombent, lentement, certaines s'amoncellent sur moi, glacées, mouillées, et fondent sur mon corps. Elles tombent, lentement, aussi légères que des flocons. Il neige des étoiles.
Je crois qu'on a posé des poids sur mes cils, et mes paupières se ferment toutes seules. Je m'enfonce un peu plus dans le sol, la route fond, je m'englue dans des sables mouvants d'asphalte. Je me perds. Je sombre.

Et à quelques pas de moi, la roue de la voiture tourne toujours, dans le vide, sans s'arrêter, inlassablement...

***

dimanche 29 novembre 2009

Into the Wild

Du blanc. Partout. A perte de vue. Comme une pommade appliquée sur une plaie, la plaie de la terre. Même le ciel pourrait se confondre avec, pourtant on le sait, le ciel est bleu, tout le monde le sait, bleu, mais là, non, blanc. Ciel et terre ne font qu'un, et on ne sait plus si on marche la tête à l'envers, vers quel ailleurs, on est perdu mais on avance, car on le sait, marcher, au fond, c'est la promesse d'une arrivée. En fait, marcher, c'est un peu comme écrire.

Ecrire, c'est perdre ses repères pour en créer de nouveaux,
S'abandonner totalement et laisser sa main faire,
Noircir des feuilles jusqu'à n'en plus pouvoir,
Etre vidé mais se sentir bien, serain, mieux que jamais.
Ecrire est jouissif. Ecrire, c'est être en vie.

Marcher, c'est pareil. Les pieds remplacent les mains, et les mots sur la feuille sont autant de pas dans la neige. C'est pareil.

D'ailleurs, nos pas, à chacun d'eux, on s'enfonce dans un bruit spongieux, et on s'en veut, on se sent coupable, de troubler le silence du glacier. On est même sûr qu'ici le bruit est tombé dans l'oubli, et c'est déchirant de le rappeler aux montagnes, à ce désert blanc paisible.

Mais on avance. Un pied devant l'autre, un pas après l'autre. Marcher, c'est écrire. Chaque pas est un mot. Chaque pas est un mot.



samedi 21 novembre 2009

Zomby Diary

Le jour s'assombrit. Terré dans mon trou à rat, une simple cavité entre deux rochers, le corps contorsionné pour y loger tout entier, dans son obscurité, j'attends. Je me cache. Il ne fait pas encore nuit, mais il ne fait déjà plus jour, c'est entre les deux, et j'attends. Je ne distingue plus le détail des arbres devant moi, ils sont noirs, entièrement noirs, des ombres inquiétantes se détachant du ciel dans la lumière déclinante. Une forêt d'ombres. Ils font peur. Leurs branches sont des bras, des tentacules, des griffes, on ne sait plus. Elles se dressent, se tendent, se tordent, se nouent, s'agitent, elles veulent happer, mordre, déchiqueter. Les arbres ont faim, je le sens, ils veulent dévorer. Dévorer tout, tout ce qui est à leur porté et même ce qui est plus loin si ils le pouvaient, tout ce qui est vivant ou même mort, ou même nous, moi. Nous engloutir. Absorber, vivants ou morts peu importe, parce que de toute façon il s'agit de cela n'est-ce pas, de la mort en leur sein, l'odeur de mort en leur coeur, tout en eux est mort, pourri, c'est dans leur sein, leur coeur, le coeur de la forêt, la mort, la décomposition, l'obscurité, la décomposition, la mort. Il n'y a pas de vent, et pourtant les arbres bruissent. Ils m'appellent. Ils ont faim, ils me veulent. Ils me veulent en eux, au plus profond d'eux, dans leurs entrailles, dans le secret qu'ils renferment, qu'ils cachent, dans le cimetière où les corps s'amoncellent, les cadavres, les corps, les morts, dans l'obscurité, le noir, le néant, à l'abris de la lumière et des regards de la vie.

Le jour s'assombrit. Le ciel n'est pas encore noir, le ciel est toujours bleu, mais un bleu profond, celui du fond des mers, celui du fond des abysses. Là où la lumière se meurt, se désagrège, est dévoré petit à petit par les ténèbres oppressantes du ventre de la terre. Le ciel est bleu, mais noire est la fumée, la fumée macabre qui s'élève, et qui se confondra bientôt avec les cieux. Elle s'élève au-dessus des arbres, en fait elle s'élève des arbres, de la forêt elle-même. Elle vient du centre de la forêt, du secret hideux qu'elle abrite, l'usine de la mort, le tombeau des mes frères. Elle se dresse parmi les arbres, l'immense bâtisse de briques, de broc et de pierres, de fer et d'acier, de feu et de flammes, les flammes où se consument mes pairs. Les corps sont le combustibles des fournaises des fourneaux, ceux où on jette mes semblables par pelletés. On nous traque. On nous traque pour être calciné dans le brasier infernal de l'usine. Ils nous traquent. Eux. Les Charognards. Pas vraiment homme, pas vraiment animal, plus vraiment humain. Ce sont des ombres parmi les ombres, des charognards qui se nourrissent de mort et de désolation, au plumage de corbeau, tout vêtus de noir, de casques noirs, de vestes noires, de pantalons noirs, de bottes noirs, de coeurs noirs. Les Charognards, ils vivent dans l'usine, près des fours et des feux, aiment leur chaleur suffocante et destructrice, ils sont les sentinelles dans les miradors qui surveillent le troupeau prisonnier derrière le grillage et les barbelés autour du gigantesque bâtiment dont les cheminées crachent une fumée sombre, ils arpentent la forêt comme leur domaine, et parfois, souvent, ils en sortent pour nous chasser, eux les prédateurs et nous les proies.

Alors je me cache, je me terre, je m'enterre parfois pour leur échapper et ça me rappelle autrefois, je n'aime pas trop ça, être enterré, je l'ai été bien assez. Je préfère la vie. Je préférais la vie d'avant, la vie d'avant celle-ci, la vie d'avant la mort, évidemment, mais je n'ai plus le choix. J'ai appris à aimer cette vie là, à l'apprécier, malgré. J'ai appris à l'apprécier, assez pour lutter et la préserver, cette seconde vie, cette vie après la mort, cette vie qu'on essaie de nous arracher, de m'arracher moi. La mort, je sais ce que c'est, j'y suis passé, comme tant d'autres, comme tous mes pareils, je sais, je connais, et plus jamais. Alors pas le choix, j'ai du aimer cette vie qui n'en est pas une, plus vraiment, j'ai du m'y résoudre, faire avec. La chérir, et cela malgré. La faim, la peur des Charognards, eux les prédateurs et moi la proie, le froid intérieur pénétrant et éternel même si le soleil au-dessus est écrasant, la faim, l'absence de repos, encore la faim, la traque, moi le prédateur et vous les proies, le sang, l'absence de sommeil, la faim, toujours la faim, qui nous pousse à. C'est pour ça, ils ne comprennent pas, personne ne comprend, si ce n'est nous, nous qui sommes revenus, de la mort à la vie, et les autres, les Charognards, vous, personne ne comprend, tout le monde s'arrête à ça, le sang, nos ongles dans la peau, la chaire sous nos dent, le sang, la mort, la vôtre, personne ne comprend, personne ne voit, que la faim est plus forte, plus forte que nous, que notre volonté, il le faut, se nourrir, c'est tellement... puissant, incontrôlable, vital, nécessaire. Et irrépressible. Mais à contre-coeur, à contre-dents. Et personne ne le voit, personne ne le comprend, tous sont aveugles et sourds, et les Charognards nous traquent, nous pourchassent.

Alors je me cache, je me terre, dans mon trou à rat, une simple cavité entre deux rochers, le corps contorsionné pour y loger tout entier, dans son obscurité. J'attends. J'attends la nuit. La nuit nous rend plus fort. La lune, les étoiles. Alors je me cache, je me terre. J'attends.

Le jour s'assombrit...




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dimanche 15 novembre 2009

82

Mademoiselle Chat, l'inconditionnelle

dimanche 8 novembre 2009

Triptyque Lost Love

Prologue: C'est quoi ce bordel avec l'amour là ? Comment ça se fait qu'on devient dingue à ce point ? T'imagines le temps qu'on passe à se prendre la tête dessus ? Quand t'es seul, tu te plains: est-ce que je vais trouver quelqu'un ? Quand t'as quelqu'un: est-ce que c'est la bonne, est-ce que je l'aime vraiment, est-ce qu'elle m'aime autant que moi je l'aime, est-ce qu'on peut aimer plusieurs personnes dans sa vie, pourquoi on se sépare, est-ce qu'on peut réparer les choses quand on sent que ça se barre en couilles ? Toutes ces questions à la con qu'on se pose tout le temps... Pourtant, on ne peut pas dire qu'on y connait rien, on est préparé quand même. On lit des histoires d'amour, on lit des contes, on lit des romans d'amour, on voit des films d'amour. L'amour, l'amour, l'amour ! [Romain Duris, Les Poupées Russes]

Si on me demandait ce que je voudrais, là maintenant tout de suite, ma réponse serait simple. Ma réponse est déjà toute prête. Elle est prête depuis environ un mois.
Elle me manque. J'aimerais tellement qu'on se reparle, pendant des heures, comme si on était seuls au monde. Ne rien se cacher, ni se mentir. Ne pas se faire de mal. Comme avant.
Elle me manque tellement...

Ça tombe bien qu'on ait pas pu se voir il pleut on aurait pas pu discuter.
Tu sais il existe des endroits couverts, des endroits à l'abris où on aurait pu, mais c'est marrant toi aussi discuter ensemble c'est dehors au soleil sur un banc tu sais notre banc le banc après le lycée assis et toi à califourchon sur moi et nos baisers et nos caresses et nos je t'aime.

-Dis, tu veux bien me donner 9 mg d'eau, 700 mg d'albumine, 1,7 mg de matières grasses, 0,45 mg de sels, 100 mg de substances organiques, et 250 bactéries ?
-La médecine ça te réussie pas tu sais ? Approche.
Et il l'embrasse.

Combien de fois penses-tu peut-on mourir dans la même vie ?



Interlude 1: Me plantant là comme un souvenir aux allures de promesses trop vite oubliées. [Jean Millemann]


Tu m'as quitté aujourd'hui. J'ai repensé à tout ce qu'on s'était dit, tout ce qu'on s'était promis, tout ce qu'on s'était rêvé. J'ai froncé les sourcils. Tu es partie. Sans un mot sans un regard en arrière sans regrets ça tu me les as laissés je t'en remercie de tout coeur des regrets en souvenirs de toi. Et tes lettres et tes mots dont je suis incapable de m'en débarraser je ne sais pas pourquoi ne me demande pas pourquoi je n'en sais rien je n'y arrive pas c'est trop dur je ne peux pas les brûler ou même les déchirer, ce sont eux tes lettres et tes mots qui me déchirent moi. Tes lettres et tes mots, je les ai relus. A croire que je n'y avais rien compris. Je suis bête moi j'avais compris pour la vie. Nous deux pour toujours pour la vie Ad Vitam Aeternam comme on dit. Et tu es partie.
Tu m'appelais ton magicien, mais la magie seul ça ne dure pas c'est éphémère ça disparaît tu comprends la magie c'est à deux qu'on la fait. Et le miracle a lieu. Mais seul... ça devient la routine, la routine tue l'amour et l'amour passe, c'est comme ça c'est la vie. La vie c'est les désillusions et maintenant on se demande où est passée la magie. Les étincelles n'étincellent plus, les étoiles dans les yeux fondent en larmes, les sourires défigurent, les rires se cassent bye bye et les débris se rammasent à la pelle, tout est faux comme mal joué plus rien n'est vrai n'est beau n'est Nous. Et on se demande où est passée la magie.
Faire les efforts seul pour deux on a cru que ça suffirait mais ça n'a pas suffit tu as dit ça suffit et tu es partie. A faire des efforts seul on finit par s'épuiser. Et quand on est las, fatigué de se battre seul contre les nuages et l'orage et la nuit, et qu'on ne bouge plus, l'autre nous regarde étrangement, et parfois pire parfois l'autre ne nous regarde même pas, mais à chaque fois il fuit. A chaque fois tu fuis donc tu es partie.

Les coeurs se brisent, la vie passe, les anges déchoient, les rayons de soleil se ternent, les guides se perdent, les faiseurs de sourires et de rires pleurent, les magiciens n'ont plus de tours dans leur sac, les amoureux déchantent, et toi et moi...

Je ne dirai plus jamais "pour toujours" parce que "pour toujours" est un mensonge.



Interlude 2: J'ai compris que nous étions en train de perdre la partie. Pourquoi ? Qui en avait décidé ainsi ? Pourquoi n'étions-nous pas assez forts, malgré notre amour que nous avions cru si grand ? Qui nous entraînait vers le vide ? Oh, mon Dieu, comment décrire cette sensation de perdre pied, et de le savoir, et de ne rien pouvoir contre ? [Laurence Tardieu]

Je t'ai retrouvée en fouillant dans le grenier. Je ne sais même plus ce que je cherchais à l'origine, mais je suis tombé sur une caisse en carton, fermée et scotchée, recouverte de poussière, avec "NE PAS OUVRIR" en grandes lettres rouges. J'ai reconnu mon écriture. Ne pas ouvrir. Tu parles. Je l'ai immédiatement fait. Je n'aurai pas dû, si j'avais inscrit ça il y avait sûrement une raison, mais je l'ai fait et je n'aurai pas dû. Je ne me souvenais pas de la boîte, et encore moins de son terrible contenu, je l'avais rejeté de ma mémoire, arraché la page de cet épisode de ma vie. J'ai ouvert la boîte, et je me suis aperçu qu'en fait c'était un chapitre entier que je m'étais arraché. Il m'est revenu en plein visage, comme une voiture lancée à pleine vitesse contre un mur. Le retour du boomerang jeté loin.
J'ai ouvert la boîte, et je t'ai retrouvée dedans. Tous ces restes de toi. Je pensais les avoir brûlés, puis jeté les cendres aux vents. Je pensais m'être débarrassé des preuves, mais non, elles étaient encore là, sous mes yeux. Je t'ai retrouvée. A travers les centaines de lettres que tu m'avais écrites.
J'ai vidé le carton sur le sol, ça a été une pluie de papier, autant tu en avais donc écrit autant, et j'en ai saisi un, la main tremblante, le souffle saccadé. C'est sans doute bête mais je m'attendais à ce que ton écriture ai changé, qu'elle ai vieilli et évolué, en même temps que toi. Evidemment, c'était toujours la même qu'alors. Ecrit au crayon bille, pour que tes mots ne s'effacent pas avec le temps, comme notre amour.

"C'est le jour où je m'en ficherai qu'on ne se soit pas vu depuis une semaine qu'il faudra s'inquiéter".
Ça m'a déchiré le coeur. Ça m'a fait sourire. J'ai pleuré. A ces souvenirs de promesses passées. Oubliées. Pas tenues.
Est-ce que ça y est maintenant on peut s'inquiéter ? Depuis le temps. Est-ce que tu t'es inquiétée quand tu as vu qu'on commençait à s'éloigner, est-ce que tu t'es débattue contre, as-tu seulement faire l'effort de ? Ou as-tu regarder ça avec indifférence, ça n'avait plus d'importance tu étais déjà passé à autre chose, est-ce que pour toi ça ne valait pas le coup de faire l'effort, ne valait-on donc pas la peine, Nous ? As-tu attendu que le miracle vienne de moi ? Mais c'est à deux qu'on lutte contre la marée. Lequel a jeté les armes le premier ? Lequel a lâché la main de l'autre, a dit ça suffit j'arrête, je ne me saignerai plus pour l'autre, je ne me donnerai plus tout entier à l'autre et à Nous, fini de toutes mes forces, cessons de nous battre et débattre, coupons le tuyau d'oxygène, arrêtons de respirer laissons-nous couler laissons-nous crever, lequel ? Est-ce que cela a encore de l'importance maintenant, celui qui nous a tué ?

A vrai dire, je ne sais pas pourquoi je t'écris, je ne comptes pas te revoir. Depuis tout ce temps. Tu imagines, je t'invite au resto. Deux trentenaires assis l'un en face de l'autre autour d'un verre de vin rouge et d'une clope, et toi qu'est-ce que tu deviens ? Onze ans qu'on ne s'est pas vu, qu'on n'a pas eu de nouvelles l'un de l'autre, qu'on n'a pas su ce qui c'était passé dans la journée de l'autre, alors qu'avant, il n'y avait pas un jour où on ne se parlait pas. Onze ans qu'on a fait notre vie chacun de notre côté. Onze années à se raconter. On n'aurait rien eu à se dire.

Je ne sais pas pourquoi je t'écris. Je ne sais pas si tu liras cette lettre, ou si tu la jetteras sans même prendre la peine de l'ouvrir. Je ne sais même pas si tu te souviens de moi, si tu m'as rayé effacé de ta mémoire comme je l'avais fait. Si toi aussi tu as conservé mes lettres, toutes mes lettres. Si toi aussi tu en as un carton rempli. Si toi aussi tu as ce carton dans ton grenier. Si toi aussi tu m'as retrouvé en le fouillant.

Et si toi aussi, alors... OUBLIE MOI A NOUVEAU.



Interlude 3: L'amour n'est pas l'amour s'il fane lorsqu'il se trouve que son objet s'éloigne, quand la vie devient dure, quand les choses changent... Le vrai amour reste inchangé. [Shakespeare]


Epilogue: So don't come back again, we've already seen the story's end. Good night my lady, and a forever farewell.

samedi 31 octobre 2009

samedi 17 octobre 2009

Qui ne dit mot consent



Le sang imbibe les draps. Pas beaucoup, juste quelques pétales rouges. Mais quelque chose cloche avec moi, je le sens bien. Sinon pourquoi ce sang ? Pourquoi là ? Entre mes cuisses. Quelque chose cloche.
Le corps de l'autre est affalé à côté. Endormi. Le repos du brave, le sommeil du juste. Me laissant seule, effrayée et souillée. Il fait froid. Me blottir contre lui n'est même pas envisageable. La vue de son corps nu me donne la nausée. Son contact me fait vomir. Je rabats les couvertures sur lui, il ne bronche pas. Je suis nue moi aussi. Tout cet étalage de peau me gêne. Mais il fait trop noir, et il a jeté mes vêtements tellement loin. Il fait si froid.
La douleur vrille mes cuisses. Shoote-toi à coup d'antalgiques ma grande, tu sais si bien faire. Pour dire la vérité, j'avalerai bien la plaquette entière. Tomber, m'assommer, oublier, effacer. Ce déballage de chair nue. Le sexe LE SEXE le sexe le sexe. Ce déballage de chair nue.
J'ai détourné le regard lorsqu'il s'est déshabillé, détourné le visage. Le rouge m'est monté aux joues, mon corps s'est crispé. J'ai voulu lui dire d'arrêter, je n'aimais pas ça, et le geignement inaudible est mort au barrage de mes lèvres cousues. Ma peau me démangeait, j'ai eu envie de me lacérer le corps. Il avait déjà retiré mes vêtements, ses mains moites avaient déjà parcourues mon corps, s'immisçant partout, et j'avais mordu mes lèvres pour ne pas crier pleurer gerber.
Il s'est déshabillé lui aussi, je l'ai entendu s'approcher. Il a pris ma main tremblante, et l'a posé sur son sexe. Hoquet de surprise, je l'ai retirée immédiatement. C'était si chaud.
Et maintenant il fait si froid. Aussi froid que lui quand il m'a grimpé dessus, quand il m'a pénétré, quand il a remué sur moi et en moi. Il a grogné plusieurs fois, le monstre qu'il était.
Je ne comprends pas les filles, elles déclarent être femmes après avoir fait l'amour. L'autre m'a fait l'amour, et je ne me sens pas femme. Je me sens déchirée.
Il est 4h du matin. L'autre dort. Quelque chose cloche. Ce sang. Je crois que je suis impure, souillée, alors mon corps expulse. Tout ce sang.
Il est 4h du matin. Le sang imbibe les draps. De grands bouquets de roses rouges. La tête me tourne, la douleur passe. Le sang imbibe les draps.









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vendredi 9 octobre 2009

Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin

"In the midst of them, the blackest and largest in that dark setting, reclined James Hook, or as he wrote himself, Jas."

-James M. Barrie-



Une bouteille (de rhum) à la mer




Précieuse W.,



Pleureras-tu le moment venu, pleureras-tu l'un de nos deux corps ?
Tu sais notre lutte immuable, elle ne finira que dans la mort de l'un. Je sais déjà vers qui tes larmes couleront. Pauvre W..



T'es-tu déjà demandé ce que nous ressentions, nous ? Pas ces foutus princes charmants, tous ces héros infantiles, et niais au-delà de l'imaginable; mais nous, les parias, les laissés-pour-compte, les bannis, les honnis, les mécréants, les misérables. Nous. Les Méchants.
Crois-moi, les princes charmants pensent avec leur bite, et elle ne vaut pas mieux qu'eux. Crois-moi, ton Peter, ton très cher et si tendre Peter, il est comme eux. C'est un gamin, un gamin qui ne veut pas grandir. Il n'y a pas pire. Un gamin qui pense avec sa queue, lui aussi. Où crois-tu que ce si noble Peter vole le soir, quand la nuit tombe, où crois-tu que ses escapades nocturnes le mènent ? Il ne s'attaque pas à nous, certainement pas de nuit, certainement pas sans sa fidèle troupe bavant devant ses exploits imaginaires, certainement pas seul. Tu crois ton Peter si redoutable ? Il m'a certes coupé une main et l'a jetée aux crocodiles, mais je l'ai séparé de son ombre une fois, et je pourrais très bien le refaire. Personne n'est rien sans son ombre. Peter n'est rien sans son ombre. Peter n'est rien. Et mon crochet l'attend.
Peter est lâche, il a peur de nous, de moi. Et il a raison. Peter est lâche. Lâche, pleutre et prétentieux. Volage. Qui crois-tu que Peter rejoint à la nuit tombée ? Où crois-tu que Lili la Tigresse ai trouvé son surnom ? Les indiens ont un faible pour l'alcool, et nous en avons des caisses entières sur mon navire. Hey oh oh and a bottle of rhum ! Devise pirate. Peter vole le rhum, et l'offre aux indiens. En échange, le Grand Manitou le laisse faire mumuse dans le tipi de Lili. La Tigresse. Le laisse baiser sa traînée de fille. Lili. La Tigresse. Pendant que toi, sous l'Arbre du Pendu, tu chantes une berceuse aux Garçons perdus, Lili chante de plaisir sous le corps de Peter. Elle gémit l'indienne. Oh, Pauvre W..
Peter est lâche, pleutre, prétentieux, faible, voleur et volage. Menteur. Sais-tu d'où viennes les Garçons Perdus, te l'a-t-il seulement dit ? Vous êtes si proches, te l'a-t-il donc dit ? Non, bien sûr que non. Petit Peter. Les Garçons Perdus ont toujours vécu à Neverland, ils sont nés à Neverland. Des fils d'hommes. Mes hommes. Fils de pirates. Laissés à terre tandis que nous naviguons sur les flots. Et Peter, sale petit Peter, il les a enlevés à leur mère. Volés, enlevés, kidnappés. Les Garçons Perdus. Nos Garçons Perdus. Devenus ses larbins, et lui leur dieu. Mais ses exploits sont fictifs, les histoires qu'il leur raconte ne sont que des contes pour enfants.
Horrible menteur. Meurtrier. Il a dansé autour du feu le sang de ton frère peint sur le visage. Il a le sang de ton frère sur les mains. Jean. Il voyait loin Jean avec ses lunettes, il voyait clair. Il se doutait. Et il a découvert Peter. Peter, Peter, Peter. Il a découvert Peter, la queue dans la bouche de Lili la salope. Peter n'a pas apprécié. Il a dansé autour du feu le sang de ton frère peint sur son visage.
Puis il a chassé Michaël, sourire aux lèvres. As-tu déjà remarqué qu'on voit ses gencives quand il sourit ? Un homme dont on voit les gencives quand il sourit est un homme à qui on ne peut pas faire confiance. Il a chassé Michaël. Il a demandé à Clochette de le mutiler. Elle lui a pris son oeil. Il a chassé Michaël. Je l'ai accueilli comme l'un des miens.
Clochette. Ne lui en veux pas trop. Clochette est aveugle. Peter n'a pas encore couché avec elle uniquement parce qu'elle est folle amoureuse de lui et qu'il le sait. Je la plains. Sincèrement. Je la plains. Elle a le mauvais rôle. Elle ne restera pour Peter qu'une amie, rien qu'une amie à utiliser. Clochette ferait tout pour lui par amour. Elle serait prête à tout. Comme boire du poison. Et il le sait. Oh bien sûr il la sautera un jour, quand Peter en aura marre de toi, douce W., il la sautera, mais sans sentiment. Ça brisera le petit coeur défait de fée de Clochette. Et je m'y connais en coeur brisé.
Peter n'est pas celui que tu crois. Il est semeur de mort et de destruction. Les corbeaux ne sont jamais loin. Près de lui, les corbeaux croassent et les mouches bourdonnent. Il est le Seigneur des Mouches.
Je te protègerai de lui, tendre W., je me battrai.
Notre lutte est immuable, il continuera à m'attaquer, par plaisir. Peter est un gamin. Par plaisir. Ou pour voler de l'alcool et des armes. Ou juste pour se battre. Peter est un gamin. Il aime l'alcool, les armes et se battre. C'est un gamin. Il n'y a rien de pire. Notre lutte est immuable, elle ne finira que dans la mort de l'un. Pleureras-tu le moment venu, pleureras-tu l'un de nos deux corps ? Vers qui tes larmes couleront, pauvre W.?



Ton dévoué Jas




dimanche 4 octobre 2009

Embrasse la Lune

-Chouette masque !
Oh s'il savait, s'il savait seulement, s'il savait comme il se trompe. Mon masque est laid, horriblement laid, une parodie grotesque de normalité. Le loup est dans la bergerie, ne pas effrayer les agneaux. Etre comme eux. Alors le masque, le commun, la laideur. Un loup dissimulé parmi les agneaux. Ils ne se rendent compte de rien. Gentilles petites bêtes. Ils ne soupçonnent même pas les griffes et les crocs. Naïves petites bêtes.
Mais ce soir, j'ai mis mon vrai visage. Laissé le masque à la tanière. Ce soir j'embrasse la Lune. J'ai mis mon vrai visage.
Ce sont eux, les porcs, qui sont déguisés. En prédateurs. Helloween, la fête sacrée. Ils se vautrent dans le mensonge pour un soir, revêtent la peau de leurs démons et croient ainsi qu'ils peuvent être braves eux aussi, ils se moquent de nous, les vrais que nous sommes, ils se moquent de nous en revêtant nos peaux, stupides petits cochons. Mais des porcs restent des porcs. Juste bons à être égorgés. Ils se moquent et ne voient pas le Loup qui marche à leur côté. Je les planterai comme ils se sont plantés sur mon compte. Douloureusement.
La Lune est haute, et la Lune est pleine. L'Heure de la Bête. L'heure où les loups sortent de leur tanière. Rien ne pousse au clair de lune, mais tout est révélé. Les moutons trembleront. Je les dévorerai. Car ce soir, j'ai mis mon vrai visage. Ce soir, j'embrasse la Lune.









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