vendredi 10 décembre 2010

And I will always be hungry



Recoil
-Want-

I want to know how it'll end
I want to be sure of what it'll cost
I want to strangle the stars for all they promised me
I want you to call me on your drug phone
I want to keep you alive so there is always the possibility of murder later
I want to be there when you learn the cost of desire
I want you to understand that my malevolence is just a way to win
I want the name of the ruiner
I want matches in case I have to suddenly burn
I want you to know that being kind is overrated
I want to write my secret across your sky
I want to watch you lose control
I want to watch you lose
I want to know exactly what it's going to take
I want to see you insert yourself into glory
I want your touches to scar me so I'll know where you've been
I want you to watch when I go down in flames
I want a list of atrocities done in your name
I want to reach my hand into the dark and feel what reaches back
I want to remember when my nightmares were clearer
I want to be there when your hot black rage rips wide open
I want to taste my own kind
I want to be wrapped in cold wet sheets to see if it's different on this side
I want you to come on strong
I want to leave you out in the cold
I want the exact same thing... but different
I want some soft drugs.. some soft, soft drugs
I want to throw you
I want you to know I know
I want to know if you read me
I want to swing with my eyes shut and see what I hit
I want to know just how much you hate me so I can predict what you'll do
I want you to know the wounds are self-inflicted
I want a controlling interest
I want to be somewhere beautiful when I die
I want to be your secret hater
I want to stop destroying you but I can't
And I want and I want and I want
And I will always be hungry
And I want and I want and I want...

mercredi 24 novembre 2010

"Les gens sont fous, de nous jours, à vénérer des chats et des serpents."
-Jon Sprunk-

dimanche 14 novembre 2010

L'en-faon faune, Pan, a dit: "Dans tous les poèmes il y a des loups."

vendredi 12 novembre 2010

L'enfant fou, et les pensées sombres

(photo de Mademoiselle Chat)

dimanche 7 novembre 2010

It's a brand new day, and the sun is high ! All the birds are singin' that you're gonna die !




Dr. Horrible's Sing-Along Blog - Act 1 - VOST
envoyé par anita27. - Cliquez pour voir plus de vidéos marrantes.



Dr. Horrible's Sing-Along Blog - Act 2 - VOST
envoyé par anita27. - Gag, sketch et parodie humouristique en video.



Dr. Horrible's Sing-Along Blog - Act 3 - VOST
envoyé par anita27. - Plus de vidéos fun.












Dr. Horrible's Sing-Along Blog, c'est une minie web-série musicale de 3 épisodes, crée par Joss Whedon (Buffy contre les Vampires, Firefly, aux commandes du prochain film regroupant les Vengeurs (Marvel), et au scénario de la série comics Astonishing X-Men) lors de la grève sans précédent des scénaristes aux USA en 2007.


Réalisée en 6 jours avec très peu de moyens, Joss Whedon s'entoure de sa famille (2 frères et une belle-soeur), et on retrouve devant la caméra ses amis Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother), Nathan Fillion (Castle, Firefly), et Felicia Day, qui ont accepté de bosser gratuitement.


Avec cette web-série musicale, Joss Whedon a prouvé que le net est un espace rêvé pour les créateurs, que la gratuité ne nuit pas au talent, et qu'il est possible de contourner le système des grands studios de télévision.

lundi 1 novembre 2010


mercredi 27 octobre 2010

8 règles fondamentales à l'écriture d'une histoire courte réussie par Kurt Vonnegut

1. Use the time of a total stranger in such a way that he or she will not feel the time was wasted.
2. Give the reader at least one character he or she can root for.
3. Every character should want something, even if it's only a glass of water.
4. Every sentence must do one of two things: reveal character or advance the action.
5. Start as close to the end as possible.
6. Be a sadist. No matter how sweet and innocent your leading characters, make awful things happen to them, in order that the reader may see what they are made of.
7. Write to please just one person. If you open a window and make love to the world, so to speak, your story will get pneumonia.
8. Give your readers as much information as possible as soon as possible. To hell with suspense. Readers should have such complete understanding of what is going on, where and why, that they could finish the story themselves, should cockroaches eat the last few pages.


Kurt Vonnegut

dimanche 19 septembre 2010

Partie I (suite)


Le crépuscule étendait son voile sur le monde. Une petite fille scrutait les hautes montagnes au loin, plongée dans la pénombre, à la lisière du village. Sa mère l'aurait sans doute grondée et punie si elle avait su où sa fille se trouvait, après ce qui était arrivé à Hod, il y avait seulement un mois. Pour les adultes, cela semblait ne pas faire si longtemps, et ils interdisaient encore à leurs enfants d'aller jouer seuls aux abords du village. Regardez ce qui est arrivé à ce pauvre Hod, disaient-ils. Une tragédie. Pauvre Hod, disait sa mère. Elle ne savait pas. La veille du drame, après l'école, Hod l'avait entraîné dans la forêt de sapins, à l'est du village, et ils s'y étaient promenés, main dans la main, des éclats de rires enfantins cassant le lourd silence pesant sur la forêt. Ça lui avait donné un peu de vie, et la forêt avait aimé ça. Les arbres s'en souvenaient. C'était si beau.
Puis ils avaient atteint une clairière, celle du lac. Hod s'était soudain tu, se contentant de faire quelques ricochets maladroits sur l'eau, évitant de croiser le regard de la petite fille, comme embarrassé. Alors elle lui avait saisi la main, et l'avait forcé à la regarder. Il lui avait avoué qu'il avait un cadeau pour elle. Il avait rougi en disant cela. Il avait sorti de sa poche un magnifique collier d'ambre que Khtor, son grand frère, avait rapporté des royaumes unis du continent, loin au sud. Khtor le lui avait donné, lui disant qu'il saurait certainement en faire bon usage, appuyant ses dires d'un clin d'oeil. Khtor connaissait bien son petit frère et l'aimait profondément, Hod de son côté, l'adorait, tout simplement.
Hod avait accroché le collier au cou de la petite fille, et un instant, leurs corps avaient été si proches. Quand Hod s'était écarté, cela avait été comme si il avait emmené une part d'elle avec lui, un élément vital. Alors, elle avait compris. Aussi jeune était-elle, elle avait compris. Qu'elle ne tolèrerait jamais qu'un autre corps que le sien puisse être aussi proche d'elle, et qu'elle voulait passer le reste de sa vie ainsi, l'un contre l'autre. C'était si pur, c'était si beau.
Hod lui avait dit que le collier lui allait bien, mais elle l'avait à peine entendu. Tout était gourd autour de la petite fille. Seul Hod comptait désormais. Il avait souri, et par Réhann, elle aurait pu mourir juste pour un autre de ses sourires. Sans se rendre compte qu'elle souriait elle aussi, et que le petit garçon pensait exactement la même chose de son côté.
De la maladresse qui caractérisait les enfants, celle qui les rendait magnifiquement gracieux, elle s'était avancée vers lui. Et ensemble, ils avaient joint leurs lèvres. Alors, dans une explosion intérieure, tout était redevenu net pour la petite fille, et même plus, comme si elle avait soudainement eu un sens plus aigu des choses qui les entouraient. Le ciel si clair, si bleu, comme les yeux de Hod, le lac calme et semblant imperturbable, les galets qui crissaient sous leurs pieds, le vent frais qui faisait bruisser les sapins. Le goût sucré et humide des lèves de Hod. La petite fille avait fermé les yeux, heureuse.
Les arbres s'en souvenaient, et s'en souviendraient à jamais. Ça avait été si pur. Ça avait été si beau.
Ils étaient restés un moment après, assis en silence, à regarder le lac et les nuages s'y refléter, semblants glisser à la fois sur et sous la surface de l'eau sans même la perturber, comme d'étranges créatures marines.
Quand était venu le moment de rentrer, ils s'étaient quitté en se promettant de se retrouver ici le lendemain. La petite fille ne revit jamais Hod vivant.

Et maintenant, elle attendait Khtor, de retour des hautes montagnes du Nord. Hilmyre était déjà rentré, lui. Il était passé à côté d'elle sans la voir, semblant bien plus vieux qu'il ne l'était à son départ ce matin. Il marmonnait tout seul, secouant la tête, préoccupé. Dans la semi-obscurité, on aurait dit que la peau de rêne qu'il portait ne faisait qu'un avec le reste de son corps. Il lui avait paru un peu fou, et lui avait fait peur. Elle s'était cachée derrière un empilement de bûches, et avait retenu sa respiration le temps qu'il passe. Mais à dire vrai, Hilmyre était si perturbé qu'une étoile farceuse aurait pu s'écraser juste à ses pieds qu'il ne l'aurait probablement pas remarqué. C'était inquiétant.
Khtor ne faisait toujours pas son apparition, alors la petite fille décida de s'assoir, son dos s'appuyant contre le tas de bois. Ce n'était pas très agréable, mais ça la tiendrait éveillée. Alors la petite fille attendit, elle attendit longtemps. Ses yeux papillonnèrent et commencèrent à se fermer, prête à plonger dans le lac cotonneux des songes. Sa tête bascula sur sa poitrine, et sa respiration se fit plus lente et profonde. Le doux courant des rêves la berça jusqu'à ce moment près du lac dans la forêt de l'est, la berça jusqu'à Hod, car il n'y avait plus que dans ses rêves qu'elle pouvait le voir. Il n'y avait plus que dans ses rêves qu'elle pouvait prendre sa main dans la sienne, et poser ses lèvres sur celles du garçon. Il n'y avait plus que dans ses rêves qu'elle pouvait être avec lui. Dans ses rêves, et dans la mort. Dans tous ces précédents songes, Hod lui disait de ne pas mourir, car son heure n'était pas venue. Il lui disait qu'il l'attendrait. Il lui disait de continuer de rêver. Tous ses rêves depuis un mois étaient ainsi.
Mais celui de ce soir fut différent. Quand elle ferma les yeux pendant qu'elle embrassait Hod et que Hod l'embrassait, quelque chose changea. L'air de la clairière, normalement si pure, fut happé, et une épouvantable odeur de chair putréfiée, de décomposition, cette chaude et fétide odeur à suffoquer et vomir s'installa. La petite fille rouvrit les yeux. Hod était trop près d'elle pour qu'elle le distingue correctement, mais elle vit les sapins autour d'eux faner et se flétrir, tandis que le ciel était ravagé par le feu et le sang, et que les nuages d'un noir d'encre se déchiraient pour déverser leurs larmes empoisonnées dans le lac souillé où flottait les cadavres de poissons, d'oiseaux, et d'êtres humains. La petite fille bondit en arrière. Alors elle put voir Hod distinctement. Il la regardait, les bras ballants le long de son corps, la tête légèrement sur le côté, un sourire mauvais aux lèvres. Il la regardait couvert de sang, sa gorge et son ventre déchiquetés. Il la regardait de ses yeux vitreux, froids et morts. Il ouvrit la bouche, et des vers blancs en sortirent. Il parla la langue des défunts, qu'elle ne comprenait que dans ses rêves. Il appela la petite fille par son prénom. Freiyjaa. Et maudit trois fois son nom. Il lui dit qu'il était mort par sa faute, et qu'ainsi elle aussi mourrait bientôt. Mais alors, même dans la mort, elle ne le retrouverait pas, car il ne voulait plus d'elle. Les morts lui avaient murmurés la vérité, qu'il était mort par sa faute, et il ne voulait plus d'elle. Elle passerait l'éternité enfermée dans une petite cage, dans la pénombre, affreusement seule. Car sa mort était le fait de Freiyjaa, trois fois maudite.
La petite fille pleura, balbutia, se tenant d'une main la poitrine, son coeur semblant violemment comprimé par une poigne impitoyable, l'autre main tendue vers Hod. Le petit garçon mort la repoussa, et elle trébucha, s'écorchant le dos sur les galets. Alors Hod s'abattit sur elle.

Freiyjaa se réveilla en sursaut, le dos meurtri, couverte de sueur, haletante. Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine, comme un fauve en cage n'aspirant qu'à la liberté. Elle entendit des cailloux crisser sous le poids de quelqu'un marchant à vive allure, et un instant, elle eu peur que ce fusse Hod revenant du monde des morts. Après tout, il l'avait trois fois maudite.
Puisant au fond d'elle un peu de courage, elle risqua un oeil par-dessus l'amas de bûches. Au début, elle ne distingua qu'un pelage d'ours, et elle parvint à étouffer à hoquet de peur. Elle se redressa un peu plus, pour mieux le voir, et elle constata avec soulagement que ce n'était que Khtor, qui portait son horrible manteau. Le voir pourfendant l'obscurité ainsi lui rappela cet effroyable jour, il y avait de cela un mois. Ce jour où elle et Hod auraient du se retrouver près du lac, pour s'embrasser à nouveau.
Le lendemain de leur premier baiser, Freiyjaa avait été retenue longtemps à la maison, car sa mère étant malade, elle avait du s'occuper des tâches ménagères seule. Elle avait eu le plus grand mal à rester là et à s'appliquer sur ce qu'elle faisait plutôt que de se précipiter dehors pour rejoindre Hod. Une éternité s'était écoulée selon elle avant qu'elle soit libérée. Elle avait alors couru, aussi vite qu'elle le pouvait. Comme les lèvres de Hod lui manquaient. Et ses yeux. Et son sourire. Et son odeur. Oh oui, elle avait couru aussi vite qu'elle le pouvait pour rejoindre le petit garçon.
Elle avait été stoppée net à la lisière est du village par un puissant rugissement bestial, tout de suite suivi d'un cri déchirant venant de la forêt. Un cri déchirant de petit garçon. Un instant, Freiyjaa avait eu l'impression que les sapins s'étaient assombris puis recroquevillés sur eux-mêmes, comme accablés de chagrin. Tétanisée, elle n'avait pu faire un pas, les yeux exorbités par la peur.
Dans tout le village avait résonné le vacarme de la forêt, et Khtor s'y était précipité, courant à en perdre haleine, sa hache à simple tranchant dans sa main. D'autres l'avaient suivi, bien que distancés par le jeune homme. Il avait été le premier à pénétrer dans la forêt. Un autre terrifiant rugissement, qui ne pouvait provenir que d'une énorme bête, avait encore retenti, mais cette fois-ci il avait été arrêté subitement par un coup de hache, dans un bruit spongieux d'éclatement de fruit trop mûr et d'éclaboussure sanglante. Le son de l'acier tranchant l'air, accompagné du même bruit dégoûtant, s'était abattu plusieurs fois encore, avant que ne se lève un lourd silence, recouvrant la forêt comme un épais brouillard sonore.
Enfin, après un très long moment, Khtor était sorti de la forêt, semblant pourfendre leurs ténèbres comme il pourfendait actuellement celles de la nuit. Son visage fermé avait contrasté avec les traînées rouges qui le maculaient, comme s'il ne s'était pas rendu compte qu'il était recouvert de sang. Et dans ses bras gisait le corps inanimé d'un Hod lacéré. Ses membres ballotaient dans le vide, comme un sanglant pantin sans ficelles de vie.
Freiyjaa s'était sentie partir, comme aspirée vers le haut, faible et sur le point de vomir, sa vision s'obscurcissant un instant. Elle avait pourtant réussi à se retenir, et à ne pas s'évanouir. Elle était tombée à genoux, et s'était mise à pleurer, sans même s'en apercevoir, et ça avait été comme si chaque larme emportait avec elle un peu de son énergie. Khtor avait ramené la dépouille de son petit frère au village, et Freiyjaa n'était pas parvenue à se redresser pour le suivre, comme si elle avait été profondément ancrée là.
Il avait fallu cinq hommes pour traîner l'ours mort hors de la forêt, et Khtor s'en était fait un manteau. Pour montrer à ses ennemis qu'il se vêtait de la peau de ceux qui s'en prenaient aux siens. Et pour se rappeler à lui-même qu'une fois, une fois seulement, mais une terrible fois, qu'une fois il avait échoué.
Peu de temps après, on avait brûlé le cadavre de Hod, et tout le village avait assité aux funérailles. Beaucoup avaient pleuré, imaginant leur enfant à la place du petit garçon. Freiyjaa, elle, n'avait pas versé une larme. Elle n'en avait plus la force. Elle était lasse de tout. Comme si plus rien n'avait d'importance, comme si plus rien ne méritait d'être vécu sans Hod.
Et petit à petit, la vie avait repris son cours. Légèrement différent pour certains, mais identique pour la plupart. Oui, la vie avait fini par reprendre son cours, comme il en va toujours avec la vie.

La fugace silhouette de Khtor disparu à grand pas, tandis que Freiyjaa avait du mal à sortir de ses tristes souvenirs, lestée de lourdes gouttes de songes ne voulant sécher et pesant sur son corps et sa mémoire. Elle s'ébroua, comme pour dissiper ces traces de passé, puis parti à la poursuite de Khtor, simple ombre dans la nuit, faiblement éclairé par la lune et les étoiles. Elle le héla plusieurs fois, mais celui-ci ne s'arrêta pas, ne réagissant même pas à ses appels. Il continua de marcher d'un pas vif, jusqu'à la plage de galets faisant face à l'océan de l'ouest. On l'appelait le Grand Ailleurs, car ses mers étaient infinies.
Il se posa finalement sur un rocher, le regard perdu vers l'horizon. Freiyjaa le rejoignit, puis réfréna de justesse une pulsion. Khtor sembla le remarquer du coin de l'oeil, et il ôta son horrible manteau de peau d'ours. Freiyjaa alla se blottir contre lui. Pendant un moment, personne ne parla, la petite fille, le regard levé, contemplant les cheveux blonds du jeune homme animés par la brise marine. Elle sourit quand elle remarqua quelques rares flocons qui n'avaient pas encore fondus dans sa fine barbe, vestiges de sa dure ascension des hautes montagnes du Nord.
Ce fut le regard fixant toujours le lointain que Khtor rompit le silence, d'une voix sèche et décousue. Il lui dit que Réhann n'était plus. Que c'était fini. Que tout était fini. Que le Mahamut avait perdu la foi. Que son père l'avait perdu aussi. Que Hilmyre attendrait la fin, sans réagir. Qu'il disait que c'était inéluctable. Que lui, Khtor, prince et prétendant au trône des Vihic-kins, ne pouvait s'y résoudre. Qu'il fallait faire quelque chose pour sauver son peuple. Quelque chose, n'importe quoi. Mais qu'il ne savait pas quoi, qu'il se sentait perdu.
Khtor se tu et baissa la tête, se sentant sur le point de rupture, comme s'il était écartelé et prêt à se déchirer. Ses yeux rencontrèrent ceux de Freiyjaa, et y resta accroché, muet de stupéfaction. Son regard était bien trop grave pour une petite fille de son âge. Elle murmura. Que fait un marin quand il se sent perdu en pleine mer ?
Khtor fronça les sourcils, perplexe, puis une étincelle jaillit dans ses yeux. Un fin sourire se dessina dans sa barbe blonde, et hocha solennellement la tête. Il leva les yeux vers le ciel, contemplant la nuit étoilée. Il attendit longtemps comme cela. L'immobilité des cieux semblait l'apaiser un peu.
Et soudain, une étoile filante traversa le firmament. Freiyjaa en avait déjà vu une par le passé, et elle s'était étonnée qu'un astre s'embrasant en déchirant le ciel ne fasse pas tonner la voute céleste et trembler la terre. Celle-ci ne fit pas plus de bruit, même quand elle sembla plonger dans le Grand Ailleurs et s'y noyer.
Khtor hocha à nouveau la tête, en direction de l'océan cette fois. Sa décision était prise. Il se leva, et se tourna vers Freiyjaa. Il lui prit délicatement la tête entre ses mains, et lui embrassa le front. Il n'était plus désemparé. Il lui avait dit qu'il se sentait perdu, et elle avait murmuré.
Que fait un marin quand il se sent perdu en pleine mer ?
Il consulte les étoiles. Les astres sont là pour nous guider.
Khtor la quitta, laissant seule une petite fille sur la plage de galets noirs dans la nuit.

samedi 18 septembre 2010

Partie I

Saga


La hache s'abattit sur le pic de glace et le décapita net, des gerbes de sang cristallin s'éparpillant dans le vent. Il soufflait fort dans les hautes montagnes du Nord. Ici, les neiges étaient éternelles. Khtor ramassa la pointe de stalagmite coupée, et le froid gelant lui mordit les doigts, le brulant et l'engourdissant lentement. Le Vieil Édenté le lui prit immédiatement des mains dans un grognement. Le jeune homme le regarda emmené en claudiquant le bloc de glace jusqu'à un petit feu que son père avait préparé à l'abris du vent et de la neige. Une rafale souffla fort, et Khtor, d'une main, resserra les pans de son manteau de fourrure. Une épaisse fourrure d'ours. Celui qui s'était aventuré près du village un mois plus tôt, et avait tué son jeune frère qui jouait aux abords du hameau, seul. Khtor l'avait abattu avec sa hache, mais la bête avait eu le temps de laisser sa marque. Trois profondes entailles rouges lui rayaient le torse, comme si l'animal avait voulu l'éventrer pour lui arracher le coeur. Cela aurait été stupide. L'ours n'aurait recueilli dans sa patte que des débris, car en tuant son frère, il lui avait brisé le coeur. Les jours de froid, les griffures le brûlaient, les jours de chaleur, elles le démangeaient. Aujourd'hui était un jour de froid.
Le tonnerre gronda juste au-dessus d'eux, et ce fut comme si on abattait un énorme marteau sur les montagnes qui répercutèrent le bruit assourdissant. Le sol trembla dans un bruit de roche fendue, et le Vieil Édenté maugréa dans sa longue barbe blanche. Il installa une petite marmite au-dessus du feu et y déposa le morceau de glace. Pendant ce temps, Khtor, la hache à simple tranchant toujours à la main, avait rejoint son père, Hilmyre, qui inspectait avec méfiance le sommet des montagnes à travers la dense pluie neigeuse, à la recherche d'une présence mystérieuse. Il avait l'air fatigué, érodé par le temps comme la pierre de ces montagnes, mais toujours debout, solide.
Lentement, la glace fondit, en une eau claire et bien plus pure que tout ce que Khtor avait pu voir, jusqu'à remplir le récipient. Le Vieil Édenté retira la marmite du feu, et la passa à Hilmyre, qui en but une grande rasade. Le père la passa au fils, qui la porta à ses lèvres. Malgré la chaleur du feu, l'eau était restée incroyablement fraîche. Quelque chose se passa à l'intérieur de son corps, comme si un incendie s'embrasait, et Khtor fut pris de vertiges, toussant rauquement. Tout le monde ne supportait pas la première Gorgée. Ils étaient dans les hautes montagnes du Nord. Ici, les neiges étaient éternelles. En la buvant, les simples mortels devenaient pour un moment aussi vieux qu'elle. Aussi vieux que les montagnes. Aussi vieux que le monde. Pour un moment, pour un moment seulement. Pour un moment, ils devenaient dignes de parler au Mahamut.

La courte procession se remit en marche, lentement, luttant contre le vent déchainé charriant des flots de larmes de montagnes, d'épais et lourds flocons de neige. Khtor avançait courbé, Hilmyre s'appuyait fortement sur sa précieuse lance Perce-Flanc, mais le Vieil Édenté, lui, bien que boitant et squelettique, se tenait droit, comme si la tempête ne le touchait pas. Et il avançait, encore et toujours, semblant se repérer dans ce blizzard. Khtor se demanda si le vieillard savait réellement où il allait. Il se racontait de drôles de choses à son sujet au village. Mais Hilmyre disait avoir foi en lui. Et Hilmyre était son père. Il devait donc avoir foi lui aussi en le Vieil Édenté. Celui-ci vivait à l'écart des gens, préférant être seul, au pied des hautes montagnes du Nord où ils se trouvaient désormais. Au village, les mères effrayaient les enfants en leur disant que s'ils n'étaient pas sages, à la nuit venue, le Vieil Édenté viendrait les chercher et les emmènerait dans sa tanière, où il les attacherait pour qu'ils ne puissent pas s'enfuir. Puis il les découperait, en petits, très petits morceaux, car le Vieil Édenté n'avait plus beaucoup de dents, alors il devait manger de petits, très petits morceaux. Enfin, une fois découpés en petits, très petits morceaux, les enfants étaient dévorés par le Vieil Édenté. On disait aussi de lui qu'il était fou, et maléfique, et que le langage qu'il parlait jadis, la langue des hommes, avait été emportée par le vent, à tout jamais. Car à force de manger des enfants en petits, très petits morceaux, il n'était désormais plus tout à fait un homme.
Khtor n'était plus un enfant, il savait que ceci n'était qu'une sombre légende, un noir conte pour tenir les enfants tranquilles, mais il était aussi suffisamment vieux pour savoir que chaque conte, chaque légende, avait un fond de vérité. Et la maigre carcasse presque muette aux yeux jaunies et luisants de folie, vêtue seulement d'une peau de bête miteuse, n'était pas pour le rassurer. Encore moins le poignard qui pendait à son côté, dont la lame blanche semblait être faite en os. Peut-être humain. Peut-être d'enfant.
Au début de l'ascension, Khtor avait fait part de son inquiétude à son père, et celui-ci avait ri. Il lui avait aussi dit qu'il était fort possible que vivre en ermite l'avait rendu un peu fou. Mais qu'il n'en restait pas moins inoffensif. Puis Hilmyre révéla un secret à son fils. Le Vieil Édenté n'avait pas besoin de la Gorgée pour communiquer avec le Mahamut. On racontait qu'enfant, alors qu'il se promenait sur le lac gelé des hautes montages du Nord, là où les neiges éternelles sommeillaient, la glace avait cédé sous lui, et il s'était noyé. On avait repêché son corps inerte et froid. Puis il était revenue à la vie, miraculeusement, et changé. Il n'avait plus besoin de la Gorgée pour communiquer avec le Mahamut. Dès lors, il avait quitté le village pour vivre au pied des montagnes.
Mais surtout, ajouta Hilmyre, le Vieil Édenté était déjà là quand il avait accompagné son père pour être présenté au Mahamut, comme c'était le cas à présent pour Khtor. Le Vieil Édenté était déjà là quand le père de Hilmyre accompagnait son grand-père, et le grand-père son propre père. Le Vieil Édenté était là depuis très très longtemps. Et on n'allait pas voir le Mahamut sans son accord, ni sans sa présence. Il était le lien entre les mortels et le Mahamut.

Ils arrivèrent finalement aux Portes Froides, un arche de pierre gravé de runes anciennes, dont le sens et l'origine avaient été depuis longtemps oublié, si ce n'est peut-être par le Vieil Édenté. Derrière elles, dans l'hémicycle à ciel ouvert creusé au sein même des parois de la montagne, attendait le Mahamut. Hilmyre revêtit alors une peau de rêne, le crâne de l'animal sur le sien, les bois pointant fièrement vers les nuages. Chaque année, un rêne était tué en l'honneur de Réhann, le dieu-rêne protecteur de la tribu. Sa peau était l'attribut du chef, et il se devait de la porter lors de moments importants. S'adresser au Mahamut en était un.
Les trois hommes pénétrèrent lentement dans l'hémicycle, le regard rivé sur le sol. Ils firent face à un gigantesque bloc de glace pris dans la roche même de la montagne, puis s'agenouillèrent. Khtor risqua un regard vers le monolithe de cristal froid. Pris dans la glace, se dressait majestueusement une énorme bête, massive et extrêmement velue, même si à certains endroits les poils laineux et épais avaient disparu pour révéler des zones au squelette apparent, où les os gris semblaient tranchants. Ses quatre courtes pattes ressemblaient à de gros piliers faits de chair, d'os et de poils, et sa queue gelée ne fouettait plus l'air. De sa volumineuse tête pendait une trompe qui dardait vers les trois hommes, et sa gueule s'ornait de deux longues défenses blanches aux pointes qui paraissaient encore piquantes. Les orbites creuses et sombres de la bête étaient fixées sur eux. Depuis son royaume de glace, le Mahamut les contemplait.
Les yeux du Vieil Édenté se révulsèrent, et il se mit à psalmodier ce qui ressemblait à une prière dans une succession de bruits gutturaux bestiaux, parlant un langage obscur et rocailleux, coupant. Un langage qui semblait ancien, très ancien. Originel. Pendant ce temps, le vent s'engouffra dans l'hémicycle, et rugit fort, très fort, bien plus fort qu'auparavant.
En transe, le Vieil Édenté arracha sa fourrure de bête miteuse, exposant sa peau nue au froid. Khtor remarqua de gravées sur sa chair des runes pareilles à celles de l'arche, des runes faites vraisemblablement au couteau, en scarifications. Sa voix doubla d'intensité, et les runes semblèrent rougeoyer, peut-être à cause de la brûlure du vent, mais Khtor ne le croyait pas. Désormais, le Vieil Édenté était aussi déchainé que la tempête qui faisait rage dans l'hémicycle et qui charriait d'innombrables voix profondes, comme si les montagnes elles-mêmes chantaient avec lui. Il leva les bras au ciel, hurla un son inarticulé, puis le vent cessa subitement, les orbites vides du Mahamut étincelèrent, et le corps du vieillard s'affaissa. Khtor s'apprêtait à l'aider mais le Vieil Édenté parvint à se redresser seul. Il paraissait sans force, et sans âge. Juste immensément fatigué, et terriblement vieux. Il hocha la tête vers Hilmyre pour lui indiquer qu'il pouvait parler.
-Je viens à vous, honoré Mahamut. Je suis Hilmyre, détenteur de Perce-Flanc, la lance sanglante. Je suis Hilmyre, le porteur de peau, protégé de Réhann. Je suis Hilmyre, souverain de ma nation. Celle demeurant sur l'île que vous protégez depuis la nuit des temps. Et car nous sommes les vivants de votre île, vous nous protégez également. Je viens à vous, honoré Mahamut. Je suis Hilmyre, père de Khtor, ici présent. Un jour, l'éternel hiver s'abattra sur moi, et je ne serai plus. Alors, mon fils brûlera mon corps et se vêtira de la peau de Réhann. Cette terre sera sienne. Je viens à vous, honoré Mahamut. Voici Khtor. Quand son heure viendra, vous devrez le protéger, comme vous m'avez protégé, et mes pères avant moi. Vous devrez le protéger, lui et les siens. Car voici Khtor, mon fils. Mon successeur.
Tandis que Khtor s'inclinait, les orbites du Mahamut prirent feu dans la glace, et une voix grave venue d'outre-tombe, des contrées froides et mortes, tonna.
-Il n'y a rien à quoi succéder. C'est la fin. Le Ragna'rokkr. Il n'y a plus d'espoir. Les vers se repaissent du roi-rêne. L'Arbre-Monde est déraciné. Bientôt, ce sera le temps des Loups et des hommes mauvais. Ce sera le temps du Couronné d'Épines. Sa volonté sera faite, sur terre comme au ciel, pour des siècles et des siècles, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien sur quoi régner. Il n'y a nulle échappatoire. C'est le Ragna'rokkr. C'est la fin des Vihic-kins.
Et soudain, ce fut tout le Mahamut qui prit feu, se consumant entièrement dans un brasier infernal. C'était comme si un gigantesque papillon de flammes se débattait dans le bloc gelé. C'était un spectacle à la fois fascinant et terrifiant. Puis la glace éternelle elle-même dans laquelle il reposait fondit, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une grande flaque d'eau parsemée de cendres mouillées qui atteignit les genoux des trois hommes, tel un ciel liquide aux étoiles mortes et grises s'échouant sur terre.
Khtor et Hilmyre restèrent estomaqués. Le Vieil Édenté, lui, serrait fortement la mâchoire, les yeux embués, et ses poings fermés tremblaient. Mais ce fut une vaine résistance, et les larmes coulèrent. Sans même un regard, d'un hochement de tête, il leur fit signe de partir. Hilmyre posa sa main sur l'épaule du vieillard, et ne voyant pas de réaction, le força à le regarder. Le chef des Vihic-kins planta ses yeux alarmés dans ceux du Vieil Édenté, comme pour lui demander quoi faire. Mais il n'accrocha rien, les yeux du vieux perdus dans un vide immense ne semblaient plus rien voir. Il n'était déjà plus là.
Hilmyre lâcha prise, et lentement, se releva, comme s'il n'était plus sûr que le monde tienne encore sous ses pas, que le sol ne s'effondre sous lui, et que le sombre gouffre de la fin ne l'engloutisse.
Khtor aussi se leva, s'aidant de sa hache pour se redresser, toujours sous le choc. Les questions se bousculaient avec la détresse, mais sa gorge restait sèche et nouée. Il se sentait dépassé. Perdu.
En silence, hésitants comme s'ils étaient redevenus des enfants apprenants à marcher, et hébétés comme un matin après une nuit noyée dans l'hydromel, le père et le fils partirent, laissant le Vieil Édenté seul et nu, à genoux dans une mare de sang cristallin tacheté de gris.






Le Vieil Édenté resta longtemps agenouillé seul et nu parmi les restes du Mahamut, bien après même le départ de Khtor et Hilmyre. Même quand le vent et les murmures des montagnes se furent tus, et que le silence ressembla à la fin du monde, il resta agenouillé seul et nu.
Puis, après un long moment, il se saisit de son couteau à la lame faite d'os blanc, peut-être humain, peut-être d'enfant. Il posa le tranchant sur sa gorge, et sectionna tout. Chair, tendons, veines et désespoir. Et en effet, à mesure que le sang ruisselait pour colorer la mare de rouge, son effroi d'une vie sans le Mahamut, d'une vie sans guide, sans ami, sans père, sans frère, car c'était tout cela que le Mahamut représentait; son effroi d'une vie sans lui s'écoulait, emporté par les cascades de sang. Il était calme à présent. Paisible.
Son corps encore vivant, vivant à demi, sombra dans la mare étoilée de cendres et fleurie de roses de sang diluées. Il fut pris de spasmes, s'étouffant dans un mélange de son propre sang et d'eau éternelle aux relents poussiéreux qui ne faisait en réalité qu'un.
Le Vieil Édenté se noya, dans les hautes montagnes du Nord, là où les neiges éternelles sommeillaient. Pour sommeiller lui aussi. Définitivement cette fois.

***

mercredi 8 septembre 2010

"Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous"
-Kafka-

mardi 31 août 2010



SCOTLAND


Du 1er au 7 septembre.


vendredi 27 août 2010

Jack-in-the-box

Quelles sont vos sources d'inspirations quotidiennes ?
Ma douche.


Et c'est sous ma douche ce matin que j'ai repensé à son mail. Selon elle, la littérature c'est quelque chose qui dit comment on traverse les épreuves, comment on vit malgré tout. Comment on renaît. Alors dans ce cas très chère, la littérature, c'est mentir. Comme si on se relevait de toutes les épreuves dans la vie. Marre de cette soif de happy-end qu'ont les gens, ce besoin de rêverie, ce besoin d'espoir. Et si on leur offrait la vérité, la vérité toute nue: la vie est injuste, la vie est dégueulasse, la vie est triste, la vie est souffrance, la vie ne finit pas en happy-end. La vie est une course d'obstacles, et quand on s'en prend un, on trébuche, on s'étale, on se ramasse lamentablement, les mains en avant, alors on s'écorche les mains sur la piste, puis tout le corps, jusqu'à ce que la tête frappe fort contre le sol, on est sonné, on ne s'en relève pas. Merci la vie. On ne se relève pas d'un accident de voiture, on ne se relève pas d'une rupture. Oh bien sûr on peut en réchapper, sauver les apparences, faire semblant d'être vivant et d'aller bien, mais la vie est restée parmi les débris de toles froissées ou avec l'être aimé qui s'est fait la malle. La vie, c'est la solitude. On quitte l'enfance, on quitte ses parents, on quitte ses amis, on quitte sa femme ou notre femme nous quitte, nos enfants nous quittent, et à la fin, c'est la vie qui nous quitte. Et de cette épreuve-là, on ne s'en relève pas. On en parlera autour d'un verre jeudi. Promis.

mardi 24 août 2010


Sa chanson elle mord tout elle est déchirante, et dans ses plus parfaits sourires il ment sans cesse au bonheur.
Effondré si longtemps, il meurt.
Mais ça y est c'est sauvé: les printemps des yeux contre la blessure de la voix.

vendredi 20 août 2010


Un con dit "tionnel"

dimanche 15 août 2010

Pendant que le monde s'effondre, Dieu donne à manger aux pigeons.

dimanche 8 août 2010

dimanche 1 août 2010

Inception


Brillant.



lundi 26 juillet 2010

Black is the new black









One fine day in the middle of the night,

Two dead boys got up to fight,
Back to back they faced each other,
They drew their swords and shot each other,
The deaf policemen heard this noise,
Then came to kill the two dead boys.

If you don't believe this story’s true,
Ask the blind man he saw it too!

samedi 24 juillet 2010

Tout à l'heure l'idée d'un coup de fusil vers ton visage m'a replongée dans ton absence [Gérard Dessons]


Réveil. Il ouvrit les yeux. Mary était là, enlacée contre lui. Sa tête contre son épaule, ses longues boucles blondes le chatouillant un peu. Il avait passé inconsciemment son bras autour d'elle pendant son sommeil, et sa main reposait maintenant sur son ventre qui se soulevait au rythme de sa respiration. Elle se blottie un peu plus contre lui, encore à moitié endormie. Il respira à pleins poumons l'odeur de Mary, comme si c'était la dernière fois qu'il pouvait la sentir et voulait s'en imprégner profondément pour ne jamais l'oublier. Il respirait son odeur, il la respirait elle.

Le bip du réveil sur la table de chevet à côté de lui se déclencha, toujours aussi désagréable à entendre, et il se retourna pour l'éteindre. Son bras resta suspendu en l'air. Quelque chose clochait. Le réveil indiquait 8h13. Pourquoi l'alarme se déclenchait-elle maintenant ? Et bon sang, Abby allait être en retard pour l'école ! Il lui sembla entendre Mary prononcer quelque chose, si bien qu'il rebascula de l'autre côté pour lui demander de répéter, et se figea net, tétanisé. Mary était réveillée elle aussi, bien réveillée, tournée vers lui, les yeux grands ouverts, et à la lueur de folie fiévreuse qui brillait dans ces yeux, il aurait préféré cent fois, mille fois, qu'elle dorme toujours. Et dans ses mains, oh mon dieu dans ses mains, une paire de ciseaux, des ciseaux aux longues lames argentées et brillantes, et aux bouts tellement acérés, oh mon dieu tellement pointus que si elle les lui plantait dans la chair ils s'enfonceraient comme un couteau dans du beurre, et il savait, oh oui il savait comme cela ferait mal si elle le faisait, il le savait parce qu'elle l'avait déjà fait, elle l'avait déjà fait avant, n'est-ce pas ?

Et il restait là, pétrifié, les membres lourds, le cœur battant à tout rompre, lui martelant la poitrine, comme s'il cherchait à s'échapper de ce corps encombrant et immobile et à s'enfuir, loin, très loin, fuir loin d'elle, de ses grands yeux bleus pleins de folie, et surtout, oh surtout loin de ces foutus ciseaux. Et le réveil qui semblait se foutre de la scène, sonnant inlassablement de son bip incessant et insupportable, imperturbable. Oh comme il aurait aimé abattre son poing dessus et ainsi lui fermer sa grande gueule, mais alors il serait sans défense face aux ciseaux argentés qui s'abattraient sur sa grande gueule pour la lui fermer. A jamais.

Et alors ce fut comme s'il avait reçu une décharge électrique dans tout le corps. Il fit volte-face, prêt à fuir du lit, prêt à la fuir elle, elle et ses ciseaux acérés. Une petite lueur d'espoir naquit en lui: il allait décamper, se barricader dans la chambre de sa fille, à l'abris, et attendre avec Abby l'arrivée des renforts, parce que voyez-vous la police arrive toujours, elle arrête les méchants et sauve les innocents, la police arrive toujours, elle arrive toujours à temps, non ? C'est comme ça que ça doit se passer. C'est comme ça que ça se passe toujours, non ? Tout finit toujours bien, n'est-ce pas ?

Mais il s'empêtra dans ses draps et chuta lourdement du lit, emportant avec lui une partie des couvertures. Et aussitôt Mary fut sur lui, et alors une épouvantable et douloureuse déchirure lui vrilla l'épaule, comme si un éclair glacial l'avait transpercé de part en part. Il ne put retenir un cri et les larmes lui montèrent aux yeux. Elle retira les lames argentées de sa chair tandis qu'il se retournait sur le dos. Elle était assise à califourchon sur lui, ses longs cheveux blonds lui retombant sur la figure, collés par la sueur de l'excitation, et un grand sourire carnassier lui défigurait le visage. Et ses yeux, oh mon dieu, ses yeux n'était qu'un gouffre, un abîme de folie. Il ne put s'empêcher de hurler, hurler à s'en déchirer les cordes vocales, ses yeux fixés sur les siens comme s'ils étaient aimantés, et il allait lui aussi devenir fou si il ne parvenait pas à détourner le regard.

Alors Mary abattit ses ciseaux, encore et encore, le sourire aux lèvres et la folie aux yeux, tandis qu'une rose rouge empourprait peu à peu les draps auparavant blancs. Mary abattait ses ciseaux, et la rose rouge s'agrandissait, s'agrandissait, s'agrandissait...

lundi 19 juillet 2010

En ce moment...

Kvelertak -Mjød-

jeudi 15 juillet 2010

Dieu vit dans la pluie




Evey Reborn


-V pour Vendetta-

lundi 12 juillet 2010

lundi 5 juillet 2010

Et là-bas dorment, dorment les Charognards
au pays d'Ombre.

samedi 3 juillet 2010

Il y a les pensées qui vous déchirent le ventre, et celles qui déchirent le ciel.
Au final, toujours la même chose.
Des larmes et la pluie.

lundi 28 juin 2010

Les enfants sont commes des livres. On essaie de les préserver mais on finit toujours par les abîmer.
Pourtant, ce qu'ils recèlent à l'intérieur est souvent extraordinnaire.

dimanche 27 juin 2010

Ah l'amour,
l'Amour avec un grand A majuscule pour oublier qu'on m minuscule

samedi 26 juin 2010

Mon coeur pourrait exploser, je crois que je continuerais de battre pour toi.

vendredi 25 juin 2010


On sort comme on peut de son oeuf.

jeudi 24 juin 2010

Elle est de ce genre-là.
Vous savez comment on dit, si je devais appeler quelqu'un à 2h du matin pour m'aider à enterrer un corps, eh bien, ça serait le sien que j'enterrerais.





mardi 22 juin 2010

samedi 12 juin 2010


Désolé, je ne voulais pas tirer,
Le coup est parti tout seul.
C'est triste
Maintenant elle a un air (d') abattu.

mercredi 9 juin 2010

"L'écriture, c'est ma vie. Depuis l'adolescence, même quand je ne pouvais me procurer un stylo ou du papier, j'ai toujours songé à écrire; même quand j'étais coincé par le manque d'idées ou d'énergie, ou que les circonstances m'empêchaient d'écrire, j'essayais malgré tout, par automatisme, de voir comment je pourrais coucher sur le papier tout ce que je faisais.
Car, comme les conclusions que j'ai tirées de tous les évènements importants qui me sont arrivés, toutes les émotions ou les passions qui se sont emparées de moi -l'amour, la colère, la peur, le désir- je les ai, d'une manière ou d'une autre, tôt ou tard, converties en écriture. Pour moi, écire est synonyme de vivre."

-Robin Cook-

jeudi 3 juin 2010

And there will be a swarm of hornets


Quelque part, en un lieu perdu de tous, il y a une forêt, une très ancienne forêt, où même les arbres ont oublié leur âge. Ces arbres ont des ruches pour feuilles, et les abeilles y bourdonnent en essaim. Elles bourdonnent, bourdonnent, bourdonnent. Les abeilles y bourdonnent une mélodie, lente et envoutante, comme une très vielle berceuse. Elles la bourdonnent depuis toujours.

Quelque part, en un lieu perdu de tous, il y a une forêt, et au milieu de cette forêt où les feuilles sont des ruches, il y a une grotte. Et au plus profond de cette grotte où la très vieille berceuse résonne encore plus fort, dort une chose qu'il vaudrait mieux laisser dormir à tout jamais. Une chose, une très vieille chose. Ancienne. Antique. Séculaire. Originel. Une vieille, une très vieille chose. Qu'il vaudrait mieux laisser dormir à tout jamais. Et pour ça, les abeilles bourdonnent la berceuse.

Quelque part, en un lieu perdu de tous, il y a une forêt, au milieu de cette forêt il y a une grotte, et au plus profond de cette grotte il y a une créature qui dort. Et dans les rêves de cette créature, il n'y a que feu et foudre, mort et désolation. Et la créature sourit en dormant. Et les abeilles bourdonnent dans les arbres.

Quelque part, en un lieu perdu de tous, il y a une forêt, et des abeilles qui y bourdonnent. Elles ne doivent surtout pas arrêter de bourdonner pour que l'abomination reste endormie. Alors elles bourdonnent, depuis toujours, encore et encore. Une très vieille berceuse.

Quelque part, en un lieu perdu de tous, il y a une forêt, une très ancienne forêt. Mais au loin, dans les froides montagnes éternelles, les terribles loups hurlent à la lune. Et les abeilles frissonent. Les loups arrivent. Briser une très vieille berceuse. Réveiller un monstre qui dort au plus profond d'une grotte, qui dort et rêve de destruction. Les loups arrivent. La fin est proche.




Le réveil du Minotaure.










mercredi 26 mai 2010

Au clair de la lune

Nous avons un projet, Mademoiselle Chat et moi. Un merveilleux projet.
Qui, au fil du temps, des discussions et des écrits, voit un peu plus le jour.
Les textes qui suivent n'ont rien de définitifs. Juste pour donner un aperçu.


Mon texte:
-Ouvre Théo, ouvre ! C'est moi !
Le petit poing de Norah martelait la porte. Celle-ci s'ouvrit dans un grincement et l'imposante silhouette de Théo obstrua l'entrée. Le visage de la petite fille s'illumina aussitôt. Elle tendit ses mains et dévoila un petit écrin qu'elle agrippait fortement. Théo s'accroupit pour observer l'objet, demanda à Norah de l'ouvrir et elle s'exécuta. Des sons qui autrefois avaient été une mélodie en sortirent, tordus, syncopés, cassés, comme un bonhomme aux os fracturés qui essaierait maladroitement de marcher. Une grimace tordit les lèvres de Théo. Il marmonna quelque chose dans sa barbe inexistante, et se releva. Ses genoux craquèrent, il grommela.

Il referma la porte d'entrée derrière Norah, et se dirigea d'un pas lent, presque reptilien, vers celle au fond du couloir. Comme à chaque fois qu'elle était venue, toutes les autres portes du corridor étaient fermées, si bien qu'après plusieurs visites elle n'avait vu qu'une seule et même pièce, le sous-sol. Mais ça ne la dérangeait pas, il recelait tellement de merveilles. Théo ouvrit la porte, alluma la lumière et descendit l'escalier. A chaque pas, les marches en bois grinçaient et craquaient sous le poids de Théo sans jamais casser, et Norah les avait assimilés à des cris de bienvenue. Alphonse, le gros matou noir de Théo, se faufila entre les jambes de Norah et manqua de la faire tomber dans l'escalier. Elle pesta et cela sembla amuser le chat. Il ne s'était toujours pas fait à l'idée de devoir partager Théo avec la petite fille, et il comptait garder jalousement l'exclusivité pour lui seul.

Théo fit racler les pieds de la chaise quand il la tira à lui, puis s'assit à son bureau. Il déposa précautionneusement la boîte à musique face à lui, comme si c'était l'objet le plus précieux qu'il ait tenu dans ses mains. Norah, elle, n'en finissait pas d'admirer les étagères qui meublaient le sous-sol réaménagé en atelier. Elles étaient remplies d'objets hétéroclites qui semblaient avoir été rangés ensemble de manière purement aléatoire. Horloges à coucou, grille-pains, machines à coudre, machines à écrire... Des enfants métalliques faits d'engrenages et de rouages jugés dysfonctionnels et abandonnés par leurs parents sur des marchés aux puces ou des vides-grenier et que Théo avait ramené dans sa brouette pour les réparer dans son atelier et les recueillir. Des enfants dont Théo prenait le plus grand soin.
Alphonse bondit sur le bureau et se roula en boule, observant paresseusement la réparation. Théo avait enfilé des lunettes qui lui faisaient d'énormes yeux et dont un oeil avait plusieurs foyers de grossissement afin de voir les plus petits et infimes détails. Il manipulait l'objet de ses gros doigts délicats et habiles, avec beaucoup de dextérité et de précision pour des doigts de cette taille. Il désossa la boîte à musique et ausculta le squelette mécanique mis à nu. De temps en temps il lâchait de petits Oooh d'admiration ou des Rooh de désapprobation. Théo s'empara d'outils que Norah ne connaissait pas et commença l'opération de chirurgie réparatrice. Il était entièrement concentré sur sa tâche mais parlait en même temps qu'il travaillait, sans doute à Norah qui n'était pas sûre de tout comprendre, ou à Alphonse, ou peut-être même bien à un auditoire invisible.
-... et refixer les pièces plus solidairement pour éviter qu'elles entrent en vibration et grésillent, et nettoyer l'axe du régulateur des fibres qui l'encras...
Mais Norah ne l'écoutait pas vraiment, elle préférait l'espionner discrètement. Elle se demandait qu'elle âge il pouvait avoir. Peut-être celui qu'auraient eu ses parents, si seulement...
Théo était recroquevillé sur la boîte à musique, on aurait dit une grosse boule de chair rose et de tissu coloré. Il était tout en rondeurs et en plis. Norah était sûre qu'il cachait des choses dans ses plis, des choses précieuses, et aussi des secrets. Elle trouvait ça formidable qu'il puisse avoir des poches secrètes pour cacher des trésors sur lui. Comme un amour infini, et une adorable gentillesse. Oui, il fallait bien un corps comme le sien pour en contenir autant.

Norah tenait la boîte à musique dans ses mains. Théo, toujours assis sur sa chaise, s'était tourné vers elle. Alphonse sur ses genoux, il lui grattait le sommet du crâne, entre ses deux oreilles. Le chat ronronnait de plaisir. Le regard de Théo ne quittait pas la petite fille.
-Vas-y, ouvre-la.
Le coeur battant à tout rompre, Norah souleva le couvercle de l'écrin. Un doux air en sortit, lent et envoutant, presque magique. Comme une très vieille berceuse. Le son était métallique et pourtant mélodieux. La gorge de Norah se noua. Les larmes envahirent ses yeux sans pourtant couler. Une boule chaude s'enflamma au creux de son ventre et dans la poitrine. Sans vraiment s'en rendre compte, elle ferma les yeux et ses larmes formèrent de grosses perles qui cascadèrent le long de ses joues, et elle commença à fredonner bouche fermée, d'une voix un peu éraillée, la mélodie de la boîte à musique. Un paisible sourire se dessina sur le visage de Norah.
Après un moment qui lui paru une douce éternité, elle rouvrit les paupières, les yeux plantés droit dans ceux de Théo. Elle voulait le remercier, lui faire comprendre toute sa gratitude, lui expliquer que la boîte à musique appartenait à ses parents, et que c'était tout ce qui lui restait d'eux, ça, quelques photos et les histoires de sa grand-mère. Mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Alors elle se contenta de le regarder. Et ce fut suffisant. Car quand on est amis, certains regards en disent plus long que les mots. Il l'attira à lui et la serra dans ses bras. Elle s'enfonça dans la mollesse du corps de Théo, et c'était comme si elle pénétrait dans un nuage moelleux et cotonneux. Elle s'enfonça dans la mollesse du corps de Théo, et s'y perdit.



Le texte de Mademoiselle Chat:
Norah attrapa son sac à dos, grimpa les premières marches de l'escalier et cria à Madeleine qu'elle allait chez Théo. Elle couru tout le long du chemin, traversant l'avenue comme une furie. À la porte, elle frappa et ouvrit d'un même mouvement. Elle appela, le souffle douloureux et soudain fragile : « Théo ? Théo ? », et les yeux fondirent.
Théo déboula, le regard inquiet et l'attrapa au vol.
- Qu'est ce qui t'arrives, petite hirondelle ?
- C'est Nathan, Théo ! J'en peux plus ! Pourquoi, dis pourquoi il a le droit de garder son horrible monstre ?
Théo ne comprenait rien, il la porta jusqu'à l'atelier, l'installa sur ses genoux, sorti sa boîte à gouter et réajusta sa salopette.
- Son monstre ?
Norah se calmait petit à petit, bercée par la chaleur, entourée d'amitié.

- C'est Camélia, enfin tu sais c'est pas du tout un camélia, c'est une plante qui mange. Elle est rouge alors il l'appelle Camélia. Elle ressemble à un verre de Noël avec un pied, et à l'intérieur elle a toujours un liquide mais Nathan m'a juré qu'il ne verse rien dedans.
- Nathan s'occupe seul d'une plante ?
- Oui Madeleine dit qu'il est important qu'il soit responsable d'une vie et qu'on peut lui faire confiance. Au début, c'était pas facile parce qu'il peut pas la garder dans sa chambre Camélia : il lui faut de l'eau dans l'air et de la chaleur alors on la garde dans la salle de bain.
- Et quel âge elle a ?

Théo détournait le sujet, il savait que Norah se prenait souvent au jeu. Il savait qu'elle oubliait ses larmes, ses questions sans réponses en racontant des histoires. Et plus que tout elle prenait du plaisir à lui apprendre des choses qu'il ignorait.

- Je sais pas moi... c'était quand son anniversaire ? il a toujours voulu tout savoir sur ce sujet, sur ces plantes bizarres mais ça doit faire 6 mois qu'il a la sienne et s'en occupe.

En même temps qu'il l'écoutait, Théo sortit les cookies de Madeleine du sac de Norah et les lui tendit. Norah arrêta de martyriser l'attache de sa salopette et commença à picorer ses gâteaux. Elle n'attrapait que les morceaux de noisettes et les pépites de chocolat et faisait croquer le reste à Théo.

- De l'humidité, de la chaleur et qu'est ce qu'elle a besoin d'autre sa Camélia ?

Mauvaise pioche, les yeux se remplirent à nouveau de larmes. Dans un hoquet, Norah craqua et laissa filer ses mots, laissa échapper la raison de sa venue précipitée.

- Ce qu'elle a besoin c'est de manger, Théo. D'habitude elle mange les mouches, elle les attire avec son rouge à lèvres et son puits d'eau naturel et puis elle se referme et les mouches disparaissent. Mais aujourd'hui, enfin tout à l'heure quand j'étais dans mon bain, j'étais sous l'eau et j'ai vu une coccinelle passer au dessus de moi, elle m'a regardé à travers l'eau ! Je crois qu'elle était un peu jalouse de ma mousse et de mon shampoing qui sent la fraise. Je me suis assise pour la regarder mais elle s'est pas arrêté. Elle a filé droit vers Camélia et elle a disparu. Sa plante horrible elle a mangé une coccinelle Théo ! Tu te rends compte ? Une coccinelle ça doit voler et sa plante elle l'a empoisonné !

dimanche 23 mai 2010

"Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités"
-Oncle Ben- Spiderman
(Stan Lee)

lundi 17 mai 2010

dimanche 16 mai 2010

jeudi 29 avril 2010

dimanche 25 avril 2010

Pensées nocturnes


Je suis dans un lit d'hôpital. Depuis je ne sais même plus quand. La morphine et les médicaments brouillent ma mémoire, mes souvenirs sont flous, je perds le fil. Je perds la vie. Depuis je ne sais même plus quand.
Un silence de mort règne dans les couloirs, et dans les chambres c'est encore pire, le bip inhumain des machines auxquelles on est relié égrène le temps qu'il nous reste à vivre. On est relié aux machines comme le foetus à sa mère, c'est pour ça que ça rassure les gens. La famille, les proches, les amis, les collègues. Les vivants. Mais c'est trompeur. C'est faux. Les machines ne nous sauveront pas, elles sont des horloges réglées sur l'heure de notre mort. Depuis je ne sais même plus quand.
Les hôpitaux ne soignent pas, ce sont des mouroirs. Des tombeaux. Blancs, froids et vides. A l'image de la mort.
Je suis cloué à un lit d'hôpital. Depuis je ne sais même plus quand. Je perds le fil. Je perds la vie.




Découvrez la playlist Nouvelle playlist avec Yann Tiersen

lundi 12 avril 2010



Sept. 2010

lundi 5 avril 2010

Plus on est de fous, plus on... est de fous

Vincent, de Tim Burton (Narration: Henri Virlogeux)

samedi 27 mars 2010

Happy Songs For Happy Zombies







You have my heart

And we'll never be worlds apart

May be in magazines

But you'll still be my star

Baby cause in the dark

You can 't see shiny cars

And that's when you need me there

With you I'll always share

Because




When there's sunshine , we'll shine together

Told you I'll be here forever

Said I'll always be a friend

Took an oath I'ma stick it out till the end

Now that it's raining more than ever

Know that we'll still have each other

You can stand under my umbrella

You can stand under my umbrella

(Ella ella eh eh eh)

Under my umbrella

(Ella ella eh eh eh)

Under my umbrella

(Ella ella eh eh eh)

Under my umbrella

(Ella ella eh eh eh eh eh eh )




These fancy things, will never come in between

You're part of my entity, here for Infinity

When the war has took it's part

When the world has dealt it's cards

If the hand is hard, together we'll mend your heart

Because




When there's sunshine, we'll shine together

Told you I'll be here forever

Said I'll always be a friend

Took an oath I'ma stick it out till the end

Now that it's raining more than ever

Know that we'll still have each other

You can stand under my umbrella

You can stand under my umbrella

(Ella ella eh eh eh)

Under my umbrella

(Ella ella eh eh eh)

Under my umbrella

(Ella ella eh eh eh)

Under my umbrella

(Ella ella eh eh eh eh eh eh )




dimanche 21 mars 2010

Cauchemar musical

Découvrez la playlist Nouvelle playlist 7 avec Radiohead



Scène 1: fond noir, bruit de respiration saccadée. Puis la musique commence, et le noir se dissipe peu à peu sur le blanc d'un lavabo, très vite taché par des gouttes de sang qui tombent et jurent avec la froideur du blanc. Gros plan sur la bouche de Jay qui sourit, mais d'un sourire triste. Plan à nouveau sur les taches de sang. Puis plan sur Jay, assis contre le mur de la salle de bain, tête vers le plafond, il fait sombre et on ne voit pas trop son visage mais on comprend à l'ambiance que c'est grave. Jay se relève, et appuyé sur le lavabo bras tendus, il se regarde dans le miroir. Plan de face, on voit une larme de sang se former puis couler, il a les yeux injectés de sang et mouillés: il pleure du sang. Il commence aussi à saigner du nez. Il grimace et ses gencives sont aussi ensanglantées. Gros plan subjectif (comme si c'était lui qui regardait) sur les mains tremblantes de Jay, le dessous de ses ongles est rouge de sang, il touche celui d'un de ses doigts et l'ongle s'arrache et tombe dans le lavabo, grognement étouffé de douleur. On cogne à la porte, une voix féminine "Jay ? Jay ?!". Jay se regarde à nouveau dans le miroir, on filme son reflet par dessus son épaule. Il est paniqué. Enervé, il balaie du bras tout ce qu'il y a sur le rebord du lavabo en hurlant "Nooooon", il fait à nouveau face à la glace, retire son t-shirt, on voit une morsure à l'épaule qui suinte du pus, comme infectée. Il balbutie et répète des "non" et le hurle encore, puis la douleur lui coupe les jambes, il est à quatre pattes, pris d'une quinte de toux rauque et crache du sang et deux dents, cri de douleur et de peur. Ses bras tremblent et ne le soutiennent plus, il s'écroule. Plan noir de quelques secondes, on entend des coups à la porte, quelqu'un essaie de l'ouvrir en insistant mais elle est vérouillée. Puis déchirement de bois qui craque, on comprend que la porte a été défoncée. La voix féminine de tout à l'heure lâche un "merde...". Petit à petit le noir de dissipe sur le visage d'un teint de cendre de Jay allongé par terre, tête face à la caméra. Lentement ses yeux s'ouvrent, ils sont totalement blanc vitreux.

Scène 2: Anna sort de la maison en titubant, elle est en débardeur banc avec des marques de transpiration et des traces de sang, short de nuit noir, pieds nus, elle a des coupures et griffures, les cheveux hirsutes, des cernes. On comprend qu'elle n'a pas dormi de la nuit et a du prendre une décision difficile, comme par exemple tuer un proche qu'elle aime devenu zombie. Elle descend les marches du péron, passant de l'obscurité du palier à la lumière éclatante de l'extérieur. Elle regarde le quartier, banlieu résidentielle avec ses jardins impeccablement entretenus et ses maisons identiques d'un blanc pur et propre. Elle ferme les yeux et sourit, baignée dans la lumière du soleil qui éloigne un peu plus la triste nuit passée. Elle reste comme ça quelques secondes, puis rouvre les yeux et son sourire se brouille d'incompréhension, les larmes lui montent aux yeux. On voit à nouveau le quartier qui est désormais saccagé, certaines maisons sont en feu, des cadavres jonchent les rues, etc.

jeudi 25 février 2010

"Ecrire revient à enrichir la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie. C'est se tenir debout, aller mieux, surmonter les difficultés. Et faire qu'on soit heureux, d'accord ? Oui, faire qu'on soit heureux."


-Stephen King-

mercredi 24 février 2010

dimanche 14 février 2010

"Ecrire est un boulot solitaire. Avoir quelqu'un qui croit en vous fait une sacrée différence. Ce quelqu'un n'a pas besoin de faire des discours. Qu'il croie en vous est en général suffisant."

-Stephen King-




Merci.

dimanche 7 février 2010

Des os dans les poches


J'ai toujours aimé collectionner les os. Les petits, ceux dont la présence ne se remarquerait pas. Ceux que je pouvais mettre dans mes poches. Des os de bêtes, de souris par exemple. Faciles à transporter, les os de souris, ils sont minuscules, mais l'inconvénient, c'est qu'ils sont trop aisément perdus. C'est dommage, elles sont rigolotes les souris. Elles dansent la nuit, au clair de lune, elles dansent un peu n'importe comment mais elles dansent, c'est beau et drôle à la fois.
Et une fois même, un crâne de corbeau. Accroché autour du cou, c'était un chouette collier. Et le meilleur ami que j'ai jamais eu. Cuthbert le corbeau. Avec lui, qu'est-ce que j'ai rigolé. J'ai jamais retrouvé le reste de son corps d'oiseau, alors il avait que sa tête, du coup il pouvait pas faire grand chose, alors il parlait. Il parlait beaucoup. Moi aussi j'aimais lui parler. A lui, je lui disais tout. Mum m'a passé un savon quand elle l'a découvert, comme quoi c'était sale et macabre. Macabre. Je sais même pas ce que ça veut dire.
Mum, c'est pas ma vraie maman, ça a jamais été ma vraie maman. Ma maman de sang, je l'ai jamais vu ailleurs que sur la vieille photo jaunie qu'on m'a donné et que j'ai toujours sur moi. Elle est jolie ma maman, comme une princesse. On m'a dit qu'elle était morte, ou enfermée dans un asile, ou qu'elle faisait le trottoir quelque part, en tout cas qu'elle m'avait abandonné ça c'était sûr et que c'était sans doute tant mieux parce qu'une fille comme ça était pas faite pour être mère, mais moi je sais que tout ça c'est rien que des mensonges. Mon papa, je sais même pas à quoi il ressemble, et personne n'en parle, comme s'il n'avait jamais existé. Jamais. Mais moi, je sais que tout ça c'est rien que des mensonges. Ma maman est une princesse, et mon papa un roi. Et je sais que quelque part, dans un royaume lointain et mystérieux, presque secret et magique, ils règnent avec bonté et justice, malgré la tristesse de la séparation avec leur enfant, le Petit Prince, ils sont tristes parce que leur fils leur manque. Mais un jour, ils viendront me chercher, et alors ils seront heureux. Ensemble, nous serons heureux pour toujours.

Mum m'a passé un savon quand elle a découvert mes trésors de poche. Elle a fouillé ma chambre, à la recherche d'autres restes, et elle en a trouvé un peu partout, surtout sous mon oreiller. Elle a tout jeté, la poussière et les os, malgré mes cris et mes pleurs. Elle se débarrassait de mes seuls amis. Mais elle ne le comprenait pas, elle était une grande, et les grands ne comprennent rien à ces choses là. Je ne lui en ai pas trop voulu. Pas maintenant. Je lui en ai voulu quand elle a tout raconté à Dad. C'était à table, le midi. Il avait la bouteille à la main, et l'ivresse au corps. Mais Mum a fait comme si elle ne voyait rien, encore un autre truc de grand, et elle lui a tout raconté. Il a rien dit sur le moment, il a juste rigolé, un coup sec comme un poignard.
Il a attendu. Mum est partie faire les courses en ville, me demandant d'être sage et brave, et moi je suis allé jouer dehors. J'ai trouvé derrière la maison un tas de vieux os. Mon tas de vieux os. Ceux qui m'avaient tenu compagnie en secret pendant des nuits et des nuits. J'ai poussé un cri de joie. Et puis il y a eu Dad.
Il avait attendu son heure, l'Heure de la Bête. Quand le soleil est à son zénith et qu'il écrase vos rêves et vos espoirs, qu'il musèle l'imagination et n'offre en spectacle que la réalité, la triste et sordide réalité du monde. Celle qui fait mal. Comme le poing de Dad dans mon visage. Comme mes dents qui mordent la poussière. Comme les coups de pieds dans mon ventre. C'est ça la réalité: le goût de terre et de sang dans la bouche, et la douleur partout.
Cuthbert était mon meilleur ami, et les amis se soutiennent dans les moments durs, ils se tiennent la main et s'entraident. Cuthbert n'avait pas de main, mais ce n'était pas grave. Son crâne a roulé vers moi, et je l'ai ramassé. L'os était chaud dans ma paume. Il m'a murmuré des choses, mais des choses terribles. Dad m'a saisi par les cheveux d'une poigne ferme, un étau de fer déguisé en gant de chair, et il a tiré un grand coup jusqu'à me soulever complètement de terre. Il y a eu un CRAC retentissant, un bruit de grosse branche cassée, et ça a vibré dans tout mon corps. Les murmures de Cuthbert se sont tues au même moment, c'était comme si on m'avait mis du coton dans les oreilles, un tas de coton, et que juste un grave bourdonnement filtrait. Ma vision est devenue floue un instant aussi. J'ai eu très peur à ce moment là. Puis tout est redevenu net, clair et précis, tout est revenu comme une claque en pleine figure, Cuthbert ne murmurait plus il criait désespérément, je l'ai écouté et m'y suis abandonné. J'ai serré fort son crâne dans mon poing et l'ai planté dans le visage de Dad. Il y a eu un bruit spongieux quand le bec a percé l'oeil, le même bruit qu'un fruit pourri s'écrasant par terre, et une grande gerbe de liquide blanc puant et de sang a giclé. L'oeil valide de Dad me fixait toujours écarquillé de surprise quand il a hurlé de douleur.
Son étreinte s'est desserrée, et en gigotant un peu j'ai pu me dégager. Je suis retombé sur les fesses lourdement, il me tenait haut Dad, et je me suis aussitôt relevé pour déguerpir. Je me suis retourné pour le voir à genoux, arrachant d'une main Cuthbert et le jetant avec fureur, l'autre main agrippant toujours inutilement et presque grotesquement une touffe de cheveux, et beuglant petit salopard de merde! entrecoupé de cris de douleur et de rage. C'est un crâne de corbeau ensanglanté qui a atterri à mes pieds. Cuthbert mon bon ami, je l'ai ramassé sans l'essuyer, ai sorti une petite corde en cuir de ma poche et l'ai fait passée dans les trous du squelette que j'avais moi-même soigneusement percés en secret, et je l'ai mis autour de mon cou. Cuthbert, un chouette collier et un chouette ami. Le meilleur. Celui qui ne m'abandonnera jamais.
Le vent a soufflé, et j'ai senti que le soleil perdait de sa splendeur. J'ai levé les yeux au ciel, et j'ai vu la lune y grimper avant l'heure pour s'attaquer à l'astre flamboyant. La lune me défendait, elle me protégeait. Une belle lune ronde et bienveillante, comme une nourrice. En l'absence de mes parents, c'est elle qui veillait sur moi, bienfaitrice la lune ma nourrice. Elle a commencé à manger le soleil, et peu à peu l'obscurité nous a recouvert.
Dad s'est relevé sur ses jambes tremblotantes, encore chancelant, mais son oeil ne me quittait pas, étincelant de haine, d'une folie meurtrière, serrant les dents et grognant quelque chose comme l'éclipse ne te cachera pas, petit enfoiré. Il a fait quelques pas vers moi, et même s'il trébuchait, j'ai bien vu qu'il était encore très dangereux, peut-être même plus encore qu'avant. Alors j'ai pris une poignée de poussière et d'os dans le tas de derrière la maison, et je l'ai fourrée dans ma poche. Et j'ai fui.

J'ai fui. Pas vraiment à regret d'ailleurs, je savais bien que je devrais partir tôt ou tard. Comme les autres fois. Mum et Dad ne sont pas mes premiers faux parents, il y en a eu d'autres avant. Que j'ai toujours fui. Monsieur a eu beau me rattraper à chaque fois et me traîner de famille d'accueil en famille d'accueil, j'ai toujours fui ces parents de passage. Comme Mum et Dad. Je suis parti retrouver mes vrais parents, ceux que j'aime vraiment.
J'ai atteint la lisière de la forêt, celle qui m'avait toujours fait peur. Et avec l'obscurité grandissante, elle était encore plus effrayante. Mum m'avait toujours interdit d'y pénétrer, elle craignait que je m'y perde. J'ai hésité quelques secondes, à peine le temps de reprendre mon souffle, et soudain j'ai entendu un hurlement effroyable loin derrière moi, un hurlement de rage à peine humain, qui aurait pu être la voix de Dad mais qui désormais devait provenir d'une bête énorme, et des pas lourds foulant l'herbe de plus en plus vite. Mes yeux se sont écarquillés, mon souffle s'est arrêté, et un frisson glacial m'a parcouru le corps. J'ai eu trop peur pour me retourner. J'ai pris une grande aspiration, et je suis entré dans la forêt, malgré les ombres inquiétantes et les arbres menaçants dont les branches étaient des tentacules. J'ai couru à travers la forêt, aussi vite que j'ai pu, alors que dans un fracas épouvantable il y a eu un déchirement d'arbres qui tombent, et encore ce hurlement monstrueux. Mum m'avait toujours interdit d'aller dans la forêt. Elle avait peur que je m'y perde. Moi j'avais peur des monstres qu'elle pouvait contenir. Je n'avais pas compris. Que les monstres ne vivent pas dans les forêts. Mais bien auprès de nous.
J'ai couru de toutes mes forces, même si mes poumons me brûlaient, que le crâne de Cuthbert tapait contre ma poitrine et qu'à l'intérieur c'était mon coeur qui y tambourinait comme pour s'en échapper, j'ai couru, même si les branches des arbres me griffaient, me lacéraient, créant de longues et fines coupures rouges sur mes bras nus et mes joues, j'ai couru.
Et puis plus rien. Le silence. J'ai stoppé net. Je me suis rendu compte qu'avant, pendant ma course folle, c'était une véritable cacophonie. Les animaux, surtout des oiseaux, étaient devenus fous et piaffaient à cause de l'éclipse, le vent bruissait, même les arbres se parlaient entre eux, murmures de la forêt. Désormais, je ne m'entendais plus non plus respirer, c'était comme si tout les bruits étaient étouffés par le silence. Juste le silence, inquiétant. Juste le silence.
C'est alors qu'un vent chaud et fétide a soufflé dans mon dos et sur ma nuque. J'ai écarquillé les yeux et mes lèvres se sont mises à trembler toutes seules. Mes poils se sont hérissés, j'ai fermé fort fort fort les yeux dans un effort considérable, puis tout mon corps s'est mis à trembler. Un couinement de souris effrayée a percé ma bouche. Une larme a coulé, mes paupières closes n'ont su l'empêcher, elle a coulé et roulé le long de ma joue crasseuse, laissant un sillon propre derrière elle, et est allée mourir dans le fossé rouge creusé par une branche ou une épine dans mon cou. Le sel a piqué sur la plaie, mais je l'ai à peine senti.
Je me suis lentement retourné sur des jambes flageolantes, tout en ouvrant les yeux. Le monde a semblé si sombre à ce moment, si étroit, si refermé sur lui-même. Une énorme forme obscure aux relents de chair putréfiée se tenait devant moi, cachée en partie par l'ombre des arbres. Je n'ai véritablement distingué qu'une gigantesque gueule garnie de crocs, d'innombrables dents tranchantes. Et aussi ses yeux. L'un une lueur blanche étincelante, et l'autre un abîme de ténèbres. Le Roi Borgne était là. Il a grogné un peu, a penché sa tête vers moi pour me renifler, puis a poussé un rugissement assourdissant. L'odeur était maintenant irrespirable, ça sentait le pourri et le ranci, j'avais l'impression d'être dans un tombeau, enseveli sous d'autres cadavres en décomposition. J'ai failli vomir tellement l'odeur était forte et répugnante. J'ai reculé, autant que j'ai pu, seulement quelques pas mais c'était déjà beaucoup, je transpirais sous l'effort et de peur, j'ai reculé et mes jambes se sont emmêlées, j'ai trébuché. Comme une proie apeurée. Au sol. A sa merci.
Il a levé une grosse main velue, terminée par de longues griffes acérées, prête à s'abattre sur moi. Le coup de grâce. Puis écorché, tailladé, déchiré, démembré, déchiqueté, dévoré. Mais soudain un énorme loup a bondi d'un fourré et s'est interposé entre le monstre, qui avait été un jour Dad, et moi. Le loup était blanc comme la lune, il a hérissé ses poils et a semblé grandir encore, il a retroussé ses babines et grogné férocement. Il était à la fois terrifiant et protecteur, sauvage et majestueux. Il me protégeait. Le loup me protégeait. Mon parrain envoyé par mes parents et la lune. Le loup blanc. Mon parrain. Mon gardien. Mon protecteur.
Un grondement grave émanait de lui, comme une mise en garde. Le monstre a pourtant fait un pas, et l'herbe autour de lui s'est flétri. Il n'avait pas peur, si sûr de sa force malsaine, de ses ténèbres. Le loup a aboyé, de la bave luisant sur ces gencives apparentes et dégoulinant le long de ses crocs et gouttant par terre, secouant sa tête de droite à gauche, si agressif, et pourtant le monstre a encore avancé sur lui. A vrai dire, il voulait lui passer dessus pour m'atteindre moi, et pas seulement me tuer, mais me détruire complètement, chair et os, corps et âme, me faire disparaître totalement, qu'il ne reste pas même une poussière de moi. Et le loup l'avait compris. Si courageux. Je ne sais pas comment il faisait pour ne pas être terrifié. Moi je l'étais. Il était mon seul rempart, et sa présence et son courage me rendait fort, me donnait la force d'affronter ce chaos avec lui.
Dad le monstre a hurlé, pour nous effrayer et nous faire paniquer, mais quelque chose avait changé. Le loup avait tout changé. Je n'étais plus seul. Et sur ma poitrine, Cuthbert était agréablement chaud, il me soutenait lui aussi. Alors j'ai compris. Même apeuré, même désespéré, même si on ne veut pas parce qu'au fond on craint d'avoir mal, de souffrir, et parfois même de mourir, il faut combattre le mal. Arrêter de fuir, de se cacher. Et lutter. Se battre. De toutes ses forces. On le doit. Et c'est toujours plus facile à deux.
La créature a expulsé des trombes d'air par ses narines, puis a tapé contre un arbre qui s'est déraciné et s'est écroulé à côté de nous dans un bruit fracassant. Sa gueule a semblé se fendre d'un large sourire, et il a attaqué. Le loup a alors sauté sur lui, et sa mâchoire s'est refermée sur le cou du monstre, ses pattes s'agitant follement, essayant de le lacérer. De puissant bras lui ont enserré le dos, comme pour l'étouffer ou lui briser les os. Ils ont tournoyés et sont restés un moment comme ça, semblant danser une valse dont l'issue était la vie et la mort.
J'ai eu terriblement peur de cette chorégraphie mortelle et désespérée, peur pour mon parrain le loup. Quand on est deux et qu'on s'aime, on a toujours peur pour l'autre avant d'avoir peur pour soi même. Là, j'avais peur pour lui, et je me sentais si impuissant. Et puis le loup a secoué violemment sa tête, déchiquetant à belles dents, arrachant des lambeaux de chair et s'aspergeant du sang du monstre. Ce dernier a relâché son étreinte, mais la bête a continué à mordre. L'abominable Dad a eu beau le frapper à plusieurs reprise, la bête a continué à mordre. Je souffrais pour le loup, les coups pleuvaient sur lui, d'énormes poings s'abattaient sur lui, il avait mal mais il ne lâchait pas prise, il encaissait mâchoire fermée. Tout plutôt que le laisser m'approcher. Oh mon parrain mon protecteur.
Pourtant la bête a agrippé la fourrure du loup, cette belle fourrure blanche, plantant ses griffes dans les muscles et la chair de l'animal, et a tiré dessus de toutes ses forces. Le loup a jappé, battant ses pattes nerveusement, essayant de se retenir à quoi que ce soit, mais il sentait qu'il perdait du terrain. Le monstre a finalement réussi à l'arracher à lui, et a ouvert grand sa gueule, ses terribles crocs luisant dans l'obscurité. Il allait le dévorer vivant, l'avalant comme on enfournerait un gâteau dans un four. Mais au moment où il allait le gober, une pierre a brutalement atterri dans l'orbite creuse de son oeil absent. La douleur a semblé fulgurante, dans un sursaut il a jeté le loup contre un arbre pour placer ses deux mains sur la cavité abyssale, et crier. Le loup, lui, s'est écroulé par terre pour ne plus bouger. Mon coeur a fait un raté. Et le monstre criait.
Son regard borgne perlé de larmes s'est fixé au mien, puis est descendu jusqu'à ma main. Ma main qui tenait déjà un aute caillou. Il s'est alors immédiatement précipité sur moi, fou de rage, dans un rugissement bestial. J'avais peur, mais pas de lui, ni pour moi. J'avais peur pour mon parrain, si courageux, si brave. Mon gardien. Mon protecteur. Mais pas de lui. Je le lui ai crié, un Je n'ai pas peur ! retentissant, et une vive lumière aveuglante est sortie de ma bouche alors que je lui hurlais la vérité en face. Elle a irradié le monstre, l'a inondé, puis il a été balayé, submergé par le flot de clarté. Ses cris désespérés de grand brûlé ont été eux aussi recouverts par un bruit continu aigu et strident qui émanait de la lumière ou de ma bouche, je ne savais plus.
J'ai vu le monstre basculer sur le dos, cloué à terre, comme écrasé par un poids invisible, se débattre contre des liens de lumières. J'en ai profité pour lui bondir dessus, les yeux fixés sur son oeil, le dominant de toute ma taille. Les rôles se sont inversés, moi le prédateur et lui la proie. J'ai caressé Cuthbert, doucement, calmement, et le crâne a semblé pulsé aux rythme de mes étreintes. Un large sourire s'est dessiné sur mon visage. J'irradiais.
Agenouillé sur le monstre, j'ai saisi Cuthbert à deux mains et l'ai dressé haut au-dessus de ma tête, à bout de bras, et le temps a semblé s'arrêter un instant. Puis je l'ai abattu sur sa poitrine. L'affreux Dad ne m'a pas fait le plaisir de crier à ce moment là. Pas même quand, le bec du corbeau planté aussi profondément que possible, je m'en suis servi comme une lame de couteau, l'entaillant puis agrandissant encore la plaie, l'ouvrant de plus en plus. Son sang noir ruisselait sur mes mains, mais je m'en fichais. J'ai écarté les pans de chair de chaque côté, jusqu'à ce que son coeur soit visible, battant à une cadence folle. Le monstre a semblé comprendre ce que je m'apprêtais à faire, et il a essayé de se débattre plus fort, mais ses attaches lumineuses tenaient bon. Il était à ma merci. Ivre de puissance, j'ai plongé ma main dans son corps. Il n'a pu retenir cette fois-ci un long hurlement de douleur, et j'ai senti mon entre-jambe se durcir. Mes doigts se sont enroulés autour du coeur encore palpitant et visqueux. Chaud. Vivant. Je l'ai enserré fermement, et le monstre a semblé suffoquer et s'étouffer, les mêmes bruits que lorsqu'on boit la tasse et se noie.
J'ai tiré un grand coup sec. Je lui ai arraché le coeur. Le sourire aux lèvres.

La pluie est alors tombée, et les gouttes d'eau froides m'ont ramené à la réalité. Une réalité effrayante, s'abattant comme une claque. J'étais devenu un monstre à mon tour. Lors d'un court moment fugitif, j'ai cru percevoir jusqu'où pouvait amener le pouvoir et la force, à quelle sombre et obscure extrémité la peur, la souffrance et la colère mêlées pouvaient mener. Ça m'a effrayé.
J'ai paniqué. La lumière a disparue, comme dissoute, évaporée, et le monstre sans coeur a été à nouveau libre. Dans un dernier soubresaut, il m'a donné un puissant coup de bras qui m'a repoussé au loin. Incroyable. Même mort il était toujours vivant. J'ai eu l'impression de voler sur une longue distance, jusqu'à ce que je ratterrisse brutalement par terre, des petits cailloux m'égratignant au passage et s'incrustant dans ma peau. Ce n'est qu'une fois agenouillé que j'ai aperçu le bord du précipice de la falaise à quelques pas de moi, et tout en bas comme une forêt d'arbres miniatures, de cette hauteur ils semblaient si petits. Je l'avais échappé belle. Même mes genoux ne m'ont alors plus soutenu, et je me suis écroulé. Je suis parvenu à me redresser sur les coudes, et ma tête a tourné, ma vision s'est brouillée, je n'ai entendu que des pas lourds et maladroits s'approcher et une mâchoire claquer, s'ouvrant et se refermant, s'ouvrant et se refermant, et le bruit des dents s'entrechoquant à chaque fois m'a fait froid dans le dos.
J'ai senti la créature sur moi et son odeur de mort avant même de le voir. J'ai cru que ç'en était fini de moi. Je n'avais pas entendu les pas foulant la terre rapidement dans une course désespérée, et le grondement grave qui l'accompagnait, un grondement de loup en colère. Il a percuté le monstre de plein fouet et l'a propulsé dans le vide. Dad le Roi Borgne est tombé longtemps, dans une longue chute libre, et a disparu. Définitivement. Tout d'un coup il n'était plus là, comme si tout cela n'avait été que le fruit de mon imagination et rien d'autre. Mais c'était faux. Il avait été bien réel. En témoignait le coeur encore chaud et palpitant dans ma main, et le sang d'encre qui en dégoulinait. Il avait été bien réel, mais désormais, il n'était plus.
Je me suis relevé, tout le corps endolori, et du bras j'ai essuyé la morve qui coulait de mon nez. Je me suis aperçu que je tenais toujours le coeur dans la main, dorénavant immobile et froid. Mon parrain s'est approché en boitant, ses yeux parcourant scrupuleusement mon corps, m'inspectant pour voir si je n'étais pas blessé, sans même se soucier de son propre état. J'ai senti un incendie embraser mon coeur et le creux de mon ventre. J'ai eu envie de le serrer dans mes bras, enfouir mon visage dans son épaisse fourrure. J'ai eu envie de lui embrasser le front.
La pluie a finalement cessé, et j'ai levé les yeux au ciel. L'éclipse était totale, la lune avait triomphé du soleil, du moins temporairement, le couvrant totalement pour ne laisser apparaître de lui qu'une chevelure de feu. Le loup s'est assis, la tête relevée droit vers la lune, et a hurlé. J'ai eu envie de hurler avec lui. Comme un loup sous la lune. A l'unisson avec mon parrain, nous avons hurlé.
J'ai regardé le coeur, celui de Dad. J'ai repensé à Mum, j'ai eu l'impression qu'elle appartenait à une autre vie, une vie antérieur vieille de mille ans. Qu'allait-elle penser en rentrant, quand elle découvrirait que son mari et son fils adoptif avaient disparu ? Est-ce qu'elle savait pour le monstre en Dad ? Qu'allait-elle devenir maintenant, seule dans une maison trop grande, trop silencieuse, trop vide de vie ? J'aimais bien Mum, elle avait été gentille avec moi. J'ai regretté un instant de la quitter sans même lui avoir laissé un mot. Et Dad. J'ai enterré son coeur au bord du précipice, je l'ai enterré comme on plante une graine. Espérant qu'une fleur en pousserait. Une belle fleur, sans épines, sans ténèbres en elle. J'ai enterré son coeur comme on plante une graine, espérant qu'une fleur en pousserait.
Le loup a aboyé pour attirer mon attention, et à pointer du museau un chemin de terre qui se perdait parmi les arbres. Durant un très court moment, j'ai cru y apercevoir ma mère, ma vraie mère, celle de la photo chiffonnée dans la poche arrière de mon pantalon. Sa silhouette errante était habillée des dernières fleurs d'automne, une robe orange, marron et rouge. Elle était jolie ma maman. Puis elle a disparue, comme un fantôme. Mais il ne m'a fallut que cet instant pour savoir que malgré tout ce temps, elle ne m'avait pas oublié.
J'ai mis mes mains dans mes poches, et l'une d'elle a rencontré des os, ceux que j'avais mis avant de fuir la maison. Je les ai sortis, ils étaient minuscules dans ma paume, et j'en ai saupoudré la terre. Sous le regard de la lune, les os se sont assemblés pour former le corps auquel ils avaient jadis appartenu, celui d'une souris. Cuthbert a été content de ne plus être le seul animal squelette. Le loup, curieux, l'a reniflé et a éternué, sans doute à cause de la poussière d'os. J'ai souri, et un poids dans mon coeur s'est allégé. J'ai passé ma main dans sa fourrure, pour remonter jusqu'au crâne, entre ses deux oreilles, pour le gratter affectueusement, tout en regardant la souris. Comme à son habitude, elle s'est mise à danser, maladroitement, magiquement, et à faire des cabrioles. C'en était presque beau et drôle, et j'ai rigolé. Puis nous nous sommes mis en route, nous tous. La souris gambadait devant, servant de guide, mon parrain le loup à mes côtés, et Cuthbert crâne de corbeau, à sa place, mon meilleur ami, autour de mon cou.
Nous avons marché longtemps pendant un moment qui m'a semblé court, jusqu'à ce que les arbres s'espacent pour finir par révéler un lac, immense, recouvert de brume. Rien ne troublait sa surface, et je me suis senti comme lui, calme et serein. L'autre rive, celle d'en face, n'était pas visible, cachée par le brouillard, et pourtant j'ai eu le sentiment qu'elle existait bien, au loin. J'ai su à cet instant précis qu'il fallait que je fasse ce chemin seul. Je me suis accroupi et j'ai tapé sur la tête de la souris d'os qui sautillait dans l'eau en poussant des petits couinements ravis, et elle s'est désagrégée sous mes yeux, en une fine poussière blanche dispersée au vent. Je me suis retourné, pour faire face à mon parrain. Les larmes me sont immédiatement montées aux yeux. Je lui ai sauté au cou, sa tête dans mes bras et la mienne enfouie dans sa fourrure blanche, douce et chatouillante, et j'ai pleuré, ses poils étouffant mes sanglots. Ça a été le seul moyen de lui faire comprendre. Ma gratitude. Mon amour. Il s'était tenu à mes côté quand ça allait mal, m'avait protégé et fait grandir. J'ai espéré de tout coeur le revoir. Puis je me suis tourné vers le lac, et je me suis juré de ne pas regarder en arrière, ou sinon je n'y arriverai pas. J'ai fait quelques pas, et mes chaussures ont été submergées. J'ai déposé Cuthbert au bord du lac, et ça a été déchirant de le laisser là. Mon meilleur ami, celui qui avait toujours été là. Je ne voulais pas l'abandonner. Mais je savais que même loin l'un de l'autre, il serait toujours là pour moi, et moi là pour lui. Et avec l'eau, il semblait pleurer de joie.
J'ai encore avancé, lentement, l'eau glacée collant mon pantalon à mon corps frigorifié. Mes dents se sont mises à claquer comme d'incontrôlables castagnettes. Mais j'ai continué à avancer, l'eau m'arrivant désormais jusqu'à la taille. Ma progression est devenue difficile, et j'ai fini par me jeter en entier à l'eau, je me suis mis à nager par mouvements saccadés et désordonnés. Au début, le froid a commencé à brûler mes bras, puis petit à petit, à les anesthésier, et j'ai fini par ne même plus les sentir. J'ai eu l'impression de ne plus avancer alors que mes yeux braqués droit devant ne voyaient toujours pas la rive. Mon corps tout entier s'est engourdi, ma bouche qui expulsait de petits nuages de buée a avalé de l'eau, et ça m'a fait tousser, me déchirant les poumons et la gorge. J'ai essayé de me débattre contre l'eau, mais elle était si froide, tellement froide. J'ai senti mon coeur affolé ralentir, ralentir encore, ralentir beaucoup trop, jusqu'à s'arrêter. Au milieu du lac, mon coeur a cessé de battre.
Je me suis senti aspiré par le fond, et je me suis mis à couler. Je n'ai rien pu faire pour l'empêcher, je n'en ai pas eu la force. Mon corps puis ma tête ont été recouverts par l'eau. J'ai disparu dans les profondeurs obscures du lac. J'ai senti l'eau s'infiltrer par mes narines et ma bouche, traversant la trachée et remplissant mes poumons, les transformant en deux lourds blocs de béton froid. J'ai continué de couler, toujours plus profondément, tandis qu'il faisait toujours plus sombre et toujours plus froid. Il m'a semblé dérivé dans ce néant, submergé et noyé, pendant un long moment. Puis je n'ai plus rien senti. Plus rien.

Et dans tout ce noir, après une éternité, une lumière est apparue, d'abord lointaine, puis se rapprochant de plus en plus. Elle a fini par être sur moi et m'avaler. J'ai fermé les yeux tellement la lumière était vive. Et il faisait chaud en son sein. Mes pieds ont rencontré quelque chose, une surface dure. J'ai rouvert les yeux, et je me suis aperçu que je n'étais plus au fond du lac, mais dans une grande salle baignée d'or de lumière. Devant moi se tenaient un homme et une femme, assis sur deux trônes côte à côté. Ils me souriaient. La femme était exactement comme sur ma photo, dans une belle robe de princesse, et l'homme comme je l'avais toujours imaginé. A chacun leur front était ceint d'une couronne, et ils me souriaient. A leurs pieds était allongé un grand loup blanc, qui me regardait solennellement, et j'aurai juré qu'il souriait lui aussi. Un corbeau noir a virevoleté dans la salle puis s'est posé sur mon épaule, ses plumes de jais chatoyantes dans la lumière. Par les grandes fenêtres, j'ai vu la lune briller dans le ciel.
Je les ai regardé, tous ceux qui se partageaient mon coeur, et j'ai senti que nous allions enfin être heureux.




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