samedi 31 décembre 2011

Danse macabre

"Le soir, quand je viens de me coucher, je m’assure toujours que mes deux jambes sont bien sous le drap, une fois les lumières éteintes. Je ne suis plus un enfant…, mais je ne supporte pas qu’une de mes jambes pende au-dehors quand je dors. Car, si jamais une main glacée surgissait de dessous le lit pour m’agripper la cheville, j’en pourrais hurler. Oui, je pourrais hurler à réveiller les morts. Bien sûr, comme nous le savons tous, ce genre de choses n’arrive jamais. Dans les histoires qui suivent, vous allez rencontrer toutes sortes de créatures des ténèbres : des vampires, des succubes, une chose qui vit dans les placards, d’innombrables autres terreurs. Aucune d’entre elles n’est réelle. La chose qui, sous mon lit, guette ma cheville, ne l’est pas davantage. Je le sais. Mais je sais aussi que si je prends bien garde à laisser mon pied sous les couvertures, elle ne pourra jamais m’attraper."

-Stephen King-

lundi 26 décembre 2011

samedi 24 décembre 2011

samedi 19 novembre 2011

La Voix du Feu

"Pour mesurer un cercle, on commence n'importe où.
[...] C'est un cercle constitué de chiens noirs et de bûchers en novembre, de pieds morts et de têtes tranchées, de souhaits, de regrets et de désirs.
[...] Commencez où vous voudrez: le début et la fin sont deux bons choix, mais un cercle commence n'importe où, comme un bûcher.
Ne vous fiez pas aux histoires, ni à la ville, ni même à l'homme qui raconte les histoires. Ne vous fiez qu'à la voix du feu."

-Neil Gaiman-

jeudi 3 novembre 2011

The Unwritten



"Rien n'est plus important que les histoires que nous nous racontons pour expliquer le monde."


"-C'est... C'est une histoire. C'est qu'une histoire, mon pote. On ne meurt pas pour une histoire !
-Q'une histoire ? Dis ça aux Grecs qui ont combattu à Troie, Tommy. Dis-le aux femmes brûlées comme sorcières. Aux Rosenberg. A Sacco et Vanzetti. Dis-le aux martyrs de toutes les religions et aux millions qui sont morts au cours de toutes les guerres. LES HISTOIRES SONT LES SEULES CHOSES QUI VAILLENT QU'ON MEURE POUR ELLES !"

-Mike Carey-


mardi 25 octobre 2011

"Faute d'un clou, le fer fut perdu. Faute d'un fer, le cheval fut perdu. Faute d'un cheval, le cavalier fut perdu. Faute d'un cavalier, la bataille fut perdue. Faute d'une bataille, le royaume fut perdu. Faute de royaume, la vie fut perdue.
Et tout cela, faute d'un clou au fer du sabot du cheval."
-George Herbert-

dimanche 16 octobre 2011

Cat People

-Vous disiez que les chats...
-Ils me tourmentent. La nuit, je reste éveillée et leurs pas murmurent dans ma tête.


La Féline (Cat People)
Jacques Tourneur

mercredi 28 septembre 2011

Le totem représentait la Chaîne. En bas, une figure animale, un serpent gueule béante. Le bestial, le reptilien, le terrestre. Le froid, à moitié vivant, à moitié ailleurs. Puis un homme, peint en rouge, serti de plumes d'aigles. L'Homme, le maillon, la passerelle. Le serivteur et le destructeur. La vie. Au dessus, un grand hibou , ailes déployées. Noble et inquiétant. Le psychopompe. Touchant au céleste. Et le dieu-soleil, énorme, radieux, éblouissant. Immortel, originel, au début de tout et à la fin de chaque chose. [...]
Il avait failli ne pas la remarquer. La chose, sombre et noire. L'immonde créature s'accrochant désespérément et avidement au soleil, grâce à ses membres multiples et griffus, et y plantant ses crocs, profondément, avec délectation, suçant sa moelle, sa vie, le dévorant lentement mais sûrement. Une chose sans âge, trop monstrueuse pour seulement imaginer qu'une telle abomination puisse exister.

samedi 24 septembre 2011

La forêt n'était pas à proprement parler menaçante, mais il s'en dégageait une atmosphère particulière. Khtor finit par réaliser que c'était la même qu'aux Portes Froides, dans les montagnes du Nord de son île natale, là où reposait le Mahamut. Une atmosphère mystique, dans tout ce qu'elle avait de plus primale et originelle. Où les anciens dieux qui avaient façonné le monde sommeillaient encore.

mardi 20 septembre 2011

"-Derrière toutes les théories sur la manière dont fonctionne le cerveau rôde une théorie plus vaste, celle de Darwin. Dans la conception de Freud, l'idée de survie comme moteur primordial est exprimée par le concept du ça. Dans celle de Jung, par l'idée plus noble d'inconscient collectif. Aucun des deux, j'imagine, n'aurait nié qu'au cas où on viderait en un instant l'esprit humain de toute pensée consciente, de toute mémoire et de toute capacité de raisonnement, ce qui resterait serait pur et terrible.
[...] Bien que ni les freudiens ni les jungiens ne l'aient déclaré explicitement, leurs arguments suggèrent fortement que nous avons en nous un centre, une unique et fondamentale vague porteuse, ou -pour employer le langage avec lequel Jordan est à l'aise- une seule ligne de code écrit dont on ne peut être dépouillé.
-L'instruction primaire, dit Jordan.
-Oui. Tout au fond de nous, voyez-vous, ce n'est pas Homo sapiens que l'on trouve. Mais la folie. Cette instruction primaire est le meurtre. Ce que Darwin a été trop poli pour dire, mes amis, c'est que nous sommes parvenus à régner sur la terre non parce que nous étions les plus malins, ou les plus méchants, mais parce que nous avons toujours été les plus déments, les plus grands enfoirés meurtriers de toute la jungle."


-Stephen King-

vendredi 16 septembre 2011

Elle disparaissait souvent de longues heures, arpentant l'ancestrale et primaire forêt inexplorée qui semblait sans fin, comme si elle la connaissait. Ses yeux fixaient toujours quelque chose au loin, et elle était à la fois ici et ailleurs. Elle parlait peu. Elle dormait beaucoup et rêvait sans cesse.

mercredi 7 septembre 2011

Freiyjaa avait fait ses premiers pas sur le Nouveau Monde comme un faon apprenant à marcher.

jeudi 1 septembre 2011

Je suis le Lion du Magicien d'Oz.

lundi 11 juillet 2011

mardi 28 juin 2011


Mr Nobody, Anna and Nemo


"- Il ne ressemble à personne d'autre qu'à lui-même dit Mrs Owens d'un voix ferme. Il ne ressemble à personne.
- Alors va pour personne, dit Silas. Nobody. Nobody Owens"

-Neil Gaiman-

jeudi 26 mai 2011

Résistance


Broken Social Scene: Meet Me in the Basement



Nine Inch Nails: Hyperpower


"Si l'on jette une pierre, c'est un acte criminel. Si l'on jette mille pierres, c'est une action politique. Si l'on incendie une voiture, c'est un acte criminel. Si l'on incendie des centaines de voitures, c'est une action politique. La protestation, c'est quand je dis que ci ou ça ne me convient pas. La résistance, c'est quand je m'applique à faire disparaître ce qui ne me convient pas."

"Vois ça comme une rébellion. Cette fois, on restera pas les bras croisés à regarder le fascisme se propager. On opposera une résistance. On a une responsabilité face à l'Histoire. Les gens, ici ou en Amérique, il faut qu'ils bouffent, qu'ils consomment, pour ne surtout pas se mettre à penser. Ne surtout pas devenir conscients. Sinon, ils pourraient entreprendre quelque chose."


-La Bande à Baader-

mercredi 11 mai 2011

Saga, Partie II




***


Dans le Grand Ailleurs, le vent n'avait pas la même voix. Sur l'île, il parlait par l'intermédiaire des arbres bruissant ou des rochers cassant. Ici, il n'était que souffle. Freiyjaa trouvait ça étrange. Déroutant.
La voile se gonfla un peu plus, et le navire prit de la vitesse. Les hommes qui ramaient en cadence stoppèrent, et l'apaisante rythmique qu'ils produisaient se noya. On disait que les Vihic-kins étaient enfantés par la mer. Et que quand ils ramaient, c'était le coeur de l'océan qui battait. Freiyjaa le croyait.
Le vaisseau à tête de dragon rejoignit ses frères de bois, si frêles dans cette immensité bleue. L'esquif où se tenait la petite fille en frôla un autre, et ses yeux se posèrent sur ses occupantes. Toutes des femmes. Principalement des Valhalkyries, les vierges guerrières de la tribu. Freiyjaa les contempla avec admiration. Elles étaient si belles. Et si fortes. Plus tard, elle deviendrait aussi l'une d'entre elles, et pourrait alors protéger les siens des terrifiantes créatures du monde. Protéger ceux qu'elle aimait des ours. Et plus jamais les griffes n'emporteraient de vie.
La jeune fille aurait du se trouver sur ce drak'karr. Parmi les anges armés. Ainsi l'avait souhaité l'homme à la peau de bête. L'homme à la fourrure d'ours qu'il avait tué et revêtu, car il se vêtait de la peau des ennemis qui s'en prenait aux être qui lui étaient chers. Mais Freiyjaa avait refusé. Elle aurait tant aimé rejoindre les Valhalkyries, mais elle avait refusé. Le Grand Ailleurs était un endroit dangereux. Elle préférait le traverser avec son seul véritable ami. Parfois, quand il ne portait pas son horrible manteau, elle se blottissait contre lui, et elle se sentait protégée. Si elle l'avait pu, elle se serait enfouie tout contre lui, tant elle l'aimait, d'une amitié pure comme seuls les enfants pouvaient donner. Actuellement, elle désirait la chaleur du corps de son ami, sa présence rassurante, mais il était bien trop occupé et elle ne souhaitait pas le déranger. Alors elle préférait veiller sur lui. C'était plus important. Veiller sur lui. Sur Khtor. Son ami. Le tueur d'ours. Et le grand frère de Hod, l'enfant qui emplissait son coeur.
Un nuage passa devant la lune, et l'espace d'un instant, le monde fut englouti dans les ténèbres. Seules les pâles étoiles brillaient encore, et cela rassura un peu Freiyjaa. Elle se pelotonna plus profondément dans sa cape de plumes de faucon que Khtor lui avait ramené des royaumes du sud. Elle savait que les étoiles sont des guides, permettant de trouver son chemin en des lieux dont on ne connaît rien. Le Grand Ailleurs était un de ces endroits. Sombre, froid, inconnu. Sans fin. Mais même lorsqu'on se sent perdu et qu'on se croit abandonné, on n'est jamais seul. Il y a les étoiles. Et Odnor surveille sur les siens depuis elles. C'était le conte préféré de Freiyjaa. Odnor le borgne, le premier des Vihic-kins. A la fin de ses jours, il avait repris la mer, là où il avait été enfanté. Et les vagues avaient soulevés son drak'karr jusqu'aux étoiles, où désormais il veillait sur son peuple. En cela aussi, Freiyjaa croyait.
La petite fille voyait les nuages comme les vaisseaux d'une mer étoilée. Ce soir, ils voguaient nombreux. Et ils avaient hissé leurs plus sombres voiles. Un épais nuage cacha encore la lune et le visage de Khtor sombra dans l'obscurité. Mais Freiyjaa devinait quand même qu'il était éveillé, rongé par le doute et l'inquiétude. La solitude des rois pesait lourdement sur ses épaules. Si peu l'avaient rejoint. A peine quelques navires. Il avait été si sûr de lui. Sûr qu'une terre les attendait, quelque part dans le Grand Ailleurs. Une terre pour les siens, où ce ne serait pas la fin des Vihic-kins. Et maintenant, perdu dans cette immensité, il doutait. Il ne savait plus s'il avait fait le bon choix. Il avait simplement voulu les sauver. Il portait sa fourrure d'ours pour rappeler à ses ennemis qu'il se vêtait de la peau de ceux qui s'en prenait aux siens, et pour se rappeler à lui-même qu'il avait failli, qu'il n'avait pas réussi à sauver Hod. Il ne voulait pas faire de même avec ceux qui étaient partis avec lui.
Quand Khtor avait fait part de sa décision à Hilmyre, il avait provoqué la colère de son père. Celui-ci avait refusé de se joindre à eux. Il avait hurlé que son fils et ceux qu'il emmènerait vogueraient pendant des années et des années, et que quand leurs dents se déchausseraient et tomberaient, que les rides creuseraient leur corps, et que leurs cheveux seraient entièrement blancs, ils regarderaient au loin, et l'horizon serait toujours le même. L'océan, à perte de vue. Le Grand Ailleurs était sans fin.
Hilmyre avait prévenu Khtor de ne pas trop avoir confiance en les astres, que les étoiles étaient parfois trompeuses, que les comprendre était difficile, et qu'Odnor, dans sa solitude, aimait fourvoyer les voyageurs. Désormais, Khtor était hanté par les paroles de son père.

Malgré le vent qui hurlait désormais, les nuages ne passèrent pas, et l'obscurité fut totale. La petite fille leva la tête vers le ciel. Les étoiles avaient toutes disparu, et la lune avait été engloutie elle aussi. Le drak'karr tanguait fortement. Leur mère l'océan avait des haut-le-coeur, comme si le Jör'mu Gand, le serpent géant hideux, rampait en elle et la faisait frissonner et convulser. Il ruait, avide de bois et de chair, de voile et de sang, et les vagues s'élevaient et se fracassaient contre le navire. Un grave fracas assourdissant tonna, et Freiyjaa en trembla. Puis il y eu un déchirement dans le ciel, strident, blanc et aveuglant. La pluie se mit à tomber, une pluie froide et drue, lourde et blessante comme la pierre. Les autres navires étaient indistincts, perdus dans la tempête. Ils étaient seuls.
Le coeur du Grand Ailleurs s'affolait de plus en plus, la petite fille le sentait. Le drak'karr était balloté au vent comme une coquille de noix sur une flaque d'eau tourmentée par le bâton d'un enfant. Freiyjaa s'agrippait désespérément au bord du bateau, les ongles plantés jusqu'au sang dans le bois, de peur d'être éjectée. Puis noyée et dévorée par le Jör'mu Gand. Sans même s'en rendre compte, elle hurlait, et ses cris étaient aussitôt happés par le vent.
Les vagues passaient désormais par-dessus le bastingage, et tels de terribles anneaux de serpent, s'enroulaient autour des Vihic-kins pour les entraîner dans les profondeurs sombres, calmes et froides de l'océan. La petite fille, les yeux écarquillés de peur, vit des hommes être emportés avec elles. Elle jura apercevoir une gigantesque gueule affreuse recouverte d'écailles les engloutir. Et l'espace d'un instant, elle crut que d'immenses yeux jaunes inhumains la fixait elle, sans ciller. Son coeur manqua un battement. Un éclair proche l'aveugla, et quand tout redevint net, le monstre avait replongé dans les abysses.
Des cordes du navire cédèrent, et l'une d'entre elles vint claquer au visage de Freiyjaa. Une fulgurante morsure lui vrilla la tête. Elle sentit le sang, chaud et poisseux, couler lentement sur sa joue. D'autres cordages lâchèrent, et des tonneaux lourds de provisions roulèrent et se fracassèrent contre des hommes. Le bruit des os se brisants parvint jusqu'à ses oreilles. Le sang se mêla à l'eau.
Tout était chaos.
Le drak'karr montait vertigineusement puis redescendait à une vitesse folle, comme s'il essayait de chevaucher maladroitement les vagues. Mais Le Grand Ailleurs semblait indomptable.
Il rua encore et encore, sans répits. Freiyjaa était entraînée dans cette danse macabre, et elle sentit qu'elle allait lâcher prise. Elle essaya de s'agripper à la rambarde, ses ongles crissant sur le bois jusqu'à saigner des doigts, des échardes empalées profondément dans sa chair, mais rien n'y fit. Ses ongles ne raclèrent que du vide, et d'un brusque virement du bateau, elle passa par-dessus bord.
Le temps ralentit alors. Le déchainement de la tempête devint gourd, lent, presque figé. Freiyjaa entendit un déchirement et vit sa cape de plumes se transformer en ailes, en véritables ailes de faucon, qui la maintinrent un instant, un court instant, en suspens entre ciel et mer. En cet instant, en cet instant précis, Freiyjaa volait. La sensation la grisa.
Puis elle sentit une main ferme l'agrippant au col, et tout redevint fou. Elle fut violemment ramener sur le pont et se retrouva plaquée contre un homme au manteau d'ours. Sa main empoignait encore des plumes arrachées. Si elle n'avait pas si bien connu Khtor, elle aurait juré voir des restes de frayeur dans ses yeux. Comme s'il avait failli perdre à tout jamais tout ce qui comptait pour lui. Dans le vacarme ambiant, il la serra fort contre lui et embrassa son front. Alors, malgré le tumulte et la tempête, elle se sut en sécurité.
Il baissa le regard, et sembla embarrassé. Il lui dit qu'il était désolé pour sa cape, comme si c'était lui qui l'avait déchiré. La petite fille ne put s'empêcher de sourire. Elle connaissait la vérité.
Fouettés par le vent et la pluie et les vagues déchaînées, ils se courbèrent et rampèrent presque, manquant de tomber parfois sur le pont devenu glissant par la pluie et la mer démontée, jusqu'à l'avant du drak'karr, et s'y accrochèrent. Freiyjaa caressa instinctivement la figure de proue, et le sang sur ses doigts fut absorbé par le bois. Sous ses mains, elle sentit le drak'karr s'animer, prendre vie, et se transformer en véritable dragon. Il semblait voler, pourfendant les vagues. Exaltée, Freiyjaa hurla au vent.
Elle riait, sans pouvoir s'arrêter. Elle était trempée et frigorifiée, mais elle n'avait plus peur. Elle savait que Khtor les conduirait hors de la tempête.

Les doux rayons du soleil perçaient les nuages, tandis qu'une petite fille se réveillait, blottie dans les bras de Khtor. Elle sourit. Sous la lumière, c'était comme si tout resplendissait. Freiyjaa n'avait jamais vu de si beaux matins.
La cicatrice blanchâtre sur sa joue la démangea, et elle ne put s'empêcher de la gratter des ses doigts couturés de petites cicatrices et aux ongles fissurés. Quelqu'un pleurait non loin. Elle tourna la tête, et aperçut un second drak'karr. Au bout d'une corde qui avait cédé pendait un homme, balloté tendrement par le vent. Celle qui pleurait à ses pieds était sans doute sa femme. A cet instant, quelque chose se brisa un peu plus au fond de Freiyjaa. Ce n'était pas la première fois qu'un homme se pendait pendant la traversée, mais la petite fille n'arrivait pas s'y faire. Elle détourna le regard, et contempla ce qui avait poussé le Vihic-kin au suicide. L'océan. A perte de vue. Le Grand Ailleurs était véritablement sans fin.
Elle se leva, et le monde tournoya. Ses jambes tremblèrent, et elle manqua de chuter. Khtor, qui s'était réveillé sans bruit, la rattrapa. Freiyjaa se demanda comment il avait fait pour ne pas tomber avec elle. Il était si maigre. La peau tendue et devenue translucide, toute en os, veines bleutées et tendons saillants. Des cernes lui creusaient les yeux, éteignaient son regard en partie caché par des mèches blondes crasseuses. Une barbe hirsute lui dévorait le visage, dissimulant de rares sourires qu'il n'adressait plus qu'à elle seule. Il semblait usé, cassé, flottant presque grotesquement dans son manteau de fourrure d'ours. Elle-même ne devait être mieux. Ils avaient tous tant maigris. Il y avait d'abord eu la tempête. Tant d'hommes et de femmes, engloutis par le Jör'mu Gand. Après elle, seulement trois dragons de bois naviguaient encore dans le Grand Ailleurs. Khtor avait expliqué à Freiyjaa qu'Odnor, le premier des Vihic-kins et qui veillait sur eux depuis le ciel, n'avait qu'un seul oeil, et ne pouvait donc surveiller sur tout le monde. C'était pourquoi, parfois, des bateaux se perdaient en mer, et coulaient. Dans la tempête, face au Jör'mu Gand, Odnor n'avait pu n'en sauver qu'une poignée.
Puis les provisions étaient venues à manquer. La faim leur déchirait le ventre maintenant. Ils étaient tous si faibles. Et l'océan, encore l'océan, pendant d'innombrables jours. Ils voguaient depuis une éternité. Des corps décharnés sur des drak'karr éventrés. Ils ressemblaient aux fantômes hantant l'éternel hiver, où tout était noir, froid et mort.
C'était le plus beau des matins que Freiyjaa ait vu, et pourtant, sous les doux rayons du soleil perçant les nuages, tous ne ressentaient que la morsure glaciale du désespoir.

Une pluie fine et froide comme des lames d'acier ruisselant s'était mise à tomber. Freiyjaa grelotait et était prise de tremblements incontrôlables. Elle se mordit les lèvres jusqu'au sang pour s'empêcher de claquer des dents. La petite fille était fatiguée, elle n'en pouvait plus. Et c'était comme si la bruine l'érodait un peu plus. Khtor lui avait proposé son manteau pour la réchauffer, mais elle avait refusé. Elle ne porterait pas la peau du monstre qui lui avait pris Hod. Alors elle tremblait sous la pluie, épuisée, à bout. Elle allait s'effondrer sur le pont du drak'karr, elle en était sûre, et ne pas se relever. Leur périple était sans espoir.
Et soudain, le souffle grave d'un cor retentit, brisant le silence moite du Grand Ailleurs. L'éclaireur et vigie Heymdail, posté sur le navire de tête, le sonna à nouveau. Freiyjaa sentit plus qu'elle ne vit Khtor se figer. Ses yeux étaient écarquillés. En tout, le cor résonna trois fois. Freiyjaa ne se rendit pas compte tout de suite que Khtor murmurait dans sa barbe la même litanie, comme hypnotisé par ses mots. Terre terre terre terre terre terre terre.
Il se précipita à la proue du drak'karr, et scruta l'horizon. Il éclata brusquement de rire, comme un dément, et ne put s'arrêter. Les larmes coulaient sur son visage. Freiyjaa le rejoignit, et alors elle vit. Au loin, la terre se découpait nettement de l'océan. La petite fille en eut le souffle coupé.
Khtor souleva Freiyjaa et la serra dans ses bras, lui embrassant le front. Il y avait bien une terre pour eux, perdu dans le Grand Ailleurs. Leur périple touchait à sa fin.
Désormais, la côte était nettement visible, bouchant tout l'horizon malgré le léger rideau de pluie grisâtre. Tous distinguaient maintenant la courte plage de sable, et la gigantesque forêt derrière, à perte de vue. Khtor et Freiyjaa se regardèrent. Ils sentaient la même chose. La forêt était ancienne, très ancienne, et les arbres eux-mêmes avaient oublié leur âge. Ce nouveau monde était antique. Séculaire. Là depuis des millénaires, et il n'avait pas changé. Il était resté antique. Séculaire. Il y avait presque quelque chose d'inquiétant là-dedans.
Khtor laissa tomber sur le pont du drak'karr sa fourrure d'ours, et sortit d'un sac une autre peau. Celle d'un rêne, qu'il avait lui-même tué avant leur départ. Ainsi, Réhann veillerait sur les Vihic-kins du nouveau monde. Il ajusta le crâne de l'animal sur le sien, les bois se dressant majestueusement vers le ciel. Freiyjaa, sa cape déchirée de plumes de faucon flottant au vent, vint se blottir contre lui.
Il s'apprêtait à lui sourire quand, du coin de l'oeil, il crut apercevoir un ours hirsute, au poil sombre collé par du sang poisseux, sortir de la forêt. Khtor redressa la tête, scrutant la lisière des arbres. Rien. Mais le malaise ne quittait pas son coeur. Il eu un mauvais pressentiment, et pria Réhann qu'il ne se soit pas trompé. Que cette terre soit bien une terre d'accueil pour les siens.
Les drak'karrs accostèrent sur la plage de sable. Khtor, le porteur de peau, le tueur d'ours, le protégé de Réhann et le chef des Vihic-kins, sauta par-dessus le bastingage, et fut le premier à marcher sur le nouveau monde.

***

samedi 7 mai 2011

Chaque rai de clareté qui égaie nos vies ne mérite-t-il pas que nous mourions pour lui ? [Tad Williams]

Porcelain Unicorn -Keegan Wilcox (2009)-


Momentos -Nuno Rocha (2010)-


Struck -Taron Lexton (2007)-

samedi 9 avril 2011

La ballade of Lady and Bird

Lady:
I don't think they can hear us

Bird:
I can hear you Lady
You want to come with me maybe ?

Lady:
Will you be nice to me Bird ?
You're always nice to me because you're my friend

Bird: I'll try, but sometimes I make mistakes



Lady: Nana says that we all make mistakes




Découvrez la playlist Nouvelle playlist 8 avec Lady & Bird

dimanche 3 avril 2011

Scénario

MONSIEUR OURS




1 INT. SALON – JOUR

En silence, UNE FLAQUE DE SANG s'étend peu à peu sur le sol, lentement. Au bord, UNE MAIN, indistincte. En même temps, LE VENT se fait entendre et commence à bruisser dans les arbres, comme s'ils étaient à l'intérieur. UN COURT RIRE D'ENFANT JOYEUX déchire le silence.


2 GENERIQUE SUR FOND NOIR

Le vent bruisse toujours dans les arbres. La rumeur de la ville est à peine perceptible.
Des rires et des cris joyeux d'enfants qui s'amusent un peu plus loin se font entendre et se rapprochent lentement.

UNE PETITE FILLE
(chantant)
Monsieur l'Ours réveille-toi
Tu as assez dormi comme ça
Et à trois éveille-toi Un ! Deux ! ...



3 EXT. UN PARC – APRÈS-MIDI

La face d'un OURS EN PELUCHE regarde en face de lui et semble sourire, éclairé par un rayon de soleil.
Le bras d'UNE PETITE FILLE est passé sur son ventre, le maintenant contre elle, et l'ours est un peu balloté.
L'enfant gambade joyeusement près de sa MÈRE, sur un chemin goudronné dans un parc. Elles arrivent à une aire de jeux pour enfants.

La petite fille, tout sourire, embrasse le sommet du crâne pelucheux de l'ours, et court rejoindre les jeux, la peluche toujours sous le bras.

La mère s'installe un peu plus loin sur un banc, seule, et sort un livre. La petite fille essaie de grimper à un jeu, mais l'ours l'encombre et la gêne. UN HOMME s'approche et prend la peluche pour l'aider, mais la petite lui arrache l'ours des mains et le repousse.

LA PETITE FILLE
Il ne faut pas toucher à Monsieur Ours !


Puis elle repart jouer à un autre jeu.

La mère, qui avait levé la tête de son livre pour observer la scène, s'apprête à replonger dans son bouquin, quand elle stoppe son mouvement, pour mieux regarder l'homme, qui ne semble pas accompagné d'un enfant.
Un léger sourire se dessine sur son visage.

L'homme surprend son regard, et la mère rougit, prise en flagrant délit, mais il lui sourit franchement, et la salue de la tête.

La mère rayonne, et repose définitivement le livre.
L'homme la rejoint sur son banc.

Du haut d'un des jeux, un peu plus loin, la petite fille aperçoit sa mère et l'homme en train de discuter même si leurs paroles sont inaudibles, et elle s'arrête de jouer immédiatement.

Elle voit l'homme, tout proche de sa mère, poser sa main sur le genou de celle-ci pendant qu'il parle. La mère éclate de rire, et pose sa main sur celle de l'homme. Leurs yeux ne se quittent pas.

La petite fille fronce les sourcils et les regarde d'un mauvais oeil. Elle serre un peu plus fort contre elle l'ours en peluche dans ses bras, tourné aussi vers la mère et l'homme et qui semble observer la scène.
La face de la peluche est plongée dans l'ombre, et ne semble pas apprécier elle aussi ce qu'elle voit.


4 INT. SALON – JOUR

Le rebord de la cheminée est recouvert de PHOTOS.
Aux extrémités, plusieurs photos de la mère et de sa fille s'amusant, puis au centre et repoussant les autres cadres, des photos avec l'homme, très proche de la mère tandis que la petite fille et son ours sont en retrait.

Plus loin dans l'entrée de la maison, l'homme et la mère s'enlacent et s'embrassent. La petite fille les rejoint du salon et tend les bras pour demander un câlin à sa mère. L'homme la repousse de la main, sans même un regard, et de façon à ce que la mère ne le voit pas.

La petite fille le regarde, de la colère contenue crispant un peu son visage.


5 INT. SALLE A MANGER – CREPUSCULE

Le couple et la fillette sont en train de manger. L'ours est à coté de la petite fille, sur une chaise, comme un humain.

L'HOMME
(désignant l'ours en peluche du menton)
Vire-moi ça de la table!


La petite fille ne réagit pas, et la mère regarde alternativement l'homme et sa fille, inquiète. L'homme se lève et attrape l'ours mais la fillette s'y agrippe. Il finit par le lui arracher des mains et il le jette en dehors de la pièce.

L'HOMME
(la foudroyant du regard)
Tu es trop grande pour ce genre de chose maintenant.
Je ne veux plus te revoir avec.



6 INT. SALON – NUIT

La mère part travailler. Alors qu'elle ouvre la porte pour s'en aller, la petite fille accourt, l'ours toujours à la main, et se jette dans les bras de sa mère.

LA PETITE FILLE
Emmène-moi avec toi.
C'est tous les trois qu'on forme une famille.
Toi, moi, et Monsieur Ours. Pas lui.


La mère, troublée, repousse délicatement la petite fille.

LA MERE
Qu'est-ce que tu racontes ?
C'est vraiment méchant ce que tu dis là.
Excuse-toi.


Elle fait se retourner la petite fille. Devant elles se tient l'homme, le visage obscurci.

La petite fille secoue négativement la tête.

LA MERE
Je dois partir, je suis en retard.
Mais à mon retour,
je veux que cette histoire soit réglée.


Elle sort et ferme la porte à clé.

L'HOMME
(fixant la petite fille)
Qu'est-ce que je t'avais dit ?
Il est temps de grandir.


L'homme arrache la peluche des bras de la fillette et la jette à la poubelle.
La petite fille frappe l'homme de toute ses forces avec ses petits poings en gémissant. Cela ne lui fait pas mal, mais son visage s'obscurcit encore. Il lui saisit le bras avec violence et la traine dans sa chambre où il l'enferme.


7 INT. SALON – NUIT

L'homme fume une cigarette dans le noir, seulement éclairé par la lumière bleutée de la TELEVISION ALLUMÉE et le ROUGEOIEMENT de la cigarette. Il est assis seul sur le canapé du salon obscur et zappe frénétiquement, un verre de whisky posé sur la table basse devant lui. Seules quelques bribes de sons des chaînes de la télévision percent le silence.

Un bruit étrange, comme des griffes raclant le sol, et semblant provenir de l'obscurité d'un coin de la pièce, fait sursauter l'homme. Il coupe le son de la télévision.

L'HOMME
Il... Il y a quelqu'un ?


La petite fille sort de l'ombre, des marques rouges des doigts de l'homme zébrant son bras là où il l'a saisie précédemment. Elle a toujours son ours en peluche dans les bras.

LA PETITE FILLE
Monsieur Ours n'est pas content,
il n'est pas content du tout.


L'HOMME
Quoi ? Qu'est que tu racon...


LA PETITE FILLE
(le coupant en chantant)
Monsieur l'Ours réveille-toi
Tu as assez dormi comme ça
Et à trois éveille-toi
Un ! Deux ! Trois !


Un puissant rugissement d'ours mêlé à un cri de rage de la petite fille retentissent dans la pièce, tandis que se découpe sur le mur éclairé par la télévision l'ombre d'un gros ours. L'homme hurle de peur et de douleur.


8 INT. SALON – JOUR

En silence, la flaque de sang s'étend peu à peu sur le sol, lentement.

Le verre de whisky et son contenu sont renversés sur la table basse.

Une cigarette à moitié consumée repose près de la main ensanglantée de l'homme, au bord de la flaque de sang.

Des clés trifouillent de l'extérieur la serrure de la porte d'entrée. La mère rentre.

Elle voit la petite fille à genoux avec son ours en peluche, aspergée de sang, le cadavre de l'homme à proximité. Elle se précipite sur sa fille et la serre dans ses bras, choquée par la scène.

LA PETITE FILLE
Ne t'inquiète pas maman,
tout ira bien.
Maintenant, tout ira bien.



9 GENERIQUE DE FIN SUR FOND NOIR


FIN

lundi 28 mars 2011

Drawing Restreint 9


Drawing Restreint 9

-Matthew Barney-

dimanche 6 mars 2011

Qui sont ces "monstres" à qui vous dédiez vos livres ?

Les créatures, issues de mon imagination, que je voyais vivre dans ma chambre. Quand j'étais petit, je souffrais de "rêves éveillés". Ces monstres-là m'ont construit. Je n'ai eu qu'un seul "rêve éveillé" depuis : un homme en feu était assis à côté de moi sur un canapé ; il m'a dit "Je vis !" et s'est penché pour m'embrasser. Je me suis réveillé en sursaut, terrifié... mais content de retrouver ces "monstres".

-Guillermo del Toro-

dimanche 20 février 2011

Le vilain petit canard

"Ohana signifie famille, et famille signifie que personne ne doit être abandonné, ni oublié".
-Lilo et Stitch-

samedi 19 février 2011

samedi 5 février 2011

Teaser


MONSIEUR OURS
(Drame fantastique)

Une flaque de sang s'étend sur le sol.
Dans un parc une petite fille sert fort son ours en peluche qu'elle appelle Monsieur Ours. Elle ne se sépare jamais de lui. Sa mère est avec elle au parc. Elle rencontre un homme dont elle tombe amoureuse, et celui-ci vient vivre chez elles.
La petite fille n'apprécie pas leur liaison. L'homme n'apprécie pas la petite fille.
Une flaque de sang s'étend sur le sol.
"Monsieur l'Ours réveille-toi. Tu as assez dormi comme ça. Et à trois éveille-toi. Un ! Deux ! …"

dimanche 23 janvier 2011

Coup de coeur du matin


Babylon Pression
-Des Tasers et des Pauvres-


Ils m'avaient manqué.


Massive Attack

-Paradise Circus (Uncensored)-

dimanche 2 janvier 2011

Les résolutions sont solubles dans le café.