dimanche 29 novembre 2009

Into the Wild

Du blanc. Partout. A perte de vue. Comme une pommade appliquée sur une plaie, la plaie de la terre. Même le ciel pourrait se confondre avec, pourtant on le sait, le ciel est bleu, tout le monde le sait, bleu, mais là, non, blanc. Ciel et terre ne font qu'un, et on ne sait plus si on marche la tête à l'envers, vers quel ailleurs, on est perdu mais on avance, car on le sait, marcher, au fond, c'est la promesse d'une arrivée. En fait, marcher, c'est un peu comme écrire.

Ecrire, c'est perdre ses repères pour en créer de nouveaux,
S'abandonner totalement et laisser sa main faire,
Noircir des feuilles jusqu'à n'en plus pouvoir,
Etre vidé mais se sentir bien, serain, mieux que jamais.
Ecrire est jouissif. Ecrire, c'est être en vie.

Marcher, c'est pareil. Les pieds remplacent les mains, et les mots sur la feuille sont autant de pas dans la neige. C'est pareil.

D'ailleurs, nos pas, à chacun d'eux, on s'enfonce dans un bruit spongieux, et on s'en veut, on se sent coupable, de troubler le silence du glacier. On est même sûr qu'ici le bruit est tombé dans l'oubli, et c'est déchirant de le rappeler aux montagnes, à ce désert blanc paisible.

Mais on avance. Un pied devant l'autre, un pas après l'autre. Marcher, c'est écrire. Chaque pas est un mot. Chaque pas est un mot.



samedi 21 novembre 2009

Zomby Diary

Le jour s'assombrit. Terré dans mon trou à rat, une simple cavité entre deux rochers, le corps contorsionné pour y loger tout entier, dans son obscurité, j'attends. Je me cache. Il ne fait pas encore nuit, mais il ne fait déjà plus jour, c'est entre les deux, et j'attends. Je ne distingue plus le détail des arbres devant moi, ils sont noirs, entièrement noirs, des ombres inquiétantes se détachant du ciel dans la lumière déclinante. Une forêt d'ombres. Ils font peur. Leurs branches sont des bras, des tentacules, des griffes, on ne sait plus. Elles se dressent, se tendent, se tordent, se nouent, s'agitent, elles veulent happer, mordre, déchiqueter. Les arbres ont faim, je le sens, ils veulent dévorer. Dévorer tout, tout ce qui est à leur porté et même ce qui est plus loin si ils le pouvaient, tout ce qui est vivant ou même mort, ou même nous, moi. Nous engloutir. Absorber, vivants ou morts peu importe, parce que de toute façon il s'agit de cela n'est-ce pas, de la mort en leur sein, l'odeur de mort en leur coeur, tout en eux est mort, pourri, c'est dans leur sein, leur coeur, le coeur de la forêt, la mort, la décomposition, l'obscurité, la décomposition, la mort. Il n'y a pas de vent, et pourtant les arbres bruissent. Ils m'appellent. Ils ont faim, ils me veulent. Ils me veulent en eux, au plus profond d'eux, dans leurs entrailles, dans le secret qu'ils renferment, qu'ils cachent, dans le cimetière où les corps s'amoncellent, les cadavres, les corps, les morts, dans l'obscurité, le noir, le néant, à l'abris de la lumière et des regards de la vie.

Le jour s'assombrit. Le ciel n'est pas encore noir, le ciel est toujours bleu, mais un bleu profond, celui du fond des mers, celui du fond des abysses. Là où la lumière se meurt, se désagrège, est dévoré petit à petit par les ténèbres oppressantes du ventre de la terre. Le ciel est bleu, mais noire est la fumée, la fumée macabre qui s'élève, et qui se confondra bientôt avec les cieux. Elle s'élève au-dessus des arbres, en fait elle s'élève des arbres, de la forêt elle-même. Elle vient du centre de la forêt, du secret hideux qu'elle abrite, l'usine de la mort, le tombeau des mes frères. Elle se dresse parmi les arbres, l'immense bâtisse de briques, de broc et de pierres, de fer et d'acier, de feu et de flammes, les flammes où se consument mes pairs. Les corps sont le combustibles des fournaises des fourneaux, ceux où on jette mes semblables par pelletés. On nous traque. On nous traque pour être calciné dans le brasier infernal de l'usine. Ils nous traquent. Eux. Les Charognards. Pas vraiment homme, pas vraiment animal, plus vraiment humain. Ce sont des ombres parmi les ombres, des charognards qui se nourrissent de mort et de désolation, au plumage de corbeau, tout vêtus de noir, de casques noirs, de vestes noires, de pantalons noirs, de bottes noirs, de coeurs noirs. Les Charognards, ils vivent dans l'usine, près des fours et des feux, aiment leur chaleur suffocante et destructrice, ils sont les sentinelles dans les miradors qui surveillent le troupeau prisonnier derrière le grillage et les barbelés autour du gigantesque bâtiment dont les cheminées crachent une fumée sombre, ils arpentent la forêt comme leur domaine, et parfois, souvent, ils en sortent pour nous chasser, eux les prédateurs et nous les proies.

Alors je me cache, je me terre, je m'enterre parfois pour leur échapper et ça me rappelle autrefois, je n'aime pas trop ça, être enterré, je l'ai été bien assez. Je préfère la vie. Je préférais la vie d'avant, la vie d'avant celle-ci, la vie d'avant la mort, évidemment, mais je n'ai plus le choix. J'ai appris à aimer cette vie là, à l'apprécier, malgré. J'ai appris à l'apprécier, assez pour lutter et la préserver, cette seconde vie, cette vie après la mort, cette vie qu'on essaie de nous arracher, de m'arracher moi. La mort, je sais ce que c'est, j'y suis passé, comme tant d'autres, comme tous mes pareils, je sais, je connais, et plus jamais. Alors pas le choix, j'ai du aimer cette vie qui n'en est pas une, plus vraiment, j'ai du m'y résoudre, faire avec. La chérir, et cela malgré. La faim, la peur des Charognards, eux les prédateurs et moi la proie, le froid intérieur pénétrant et éternel même si le soleil au-dessus est écrasant, la faim, l'absence de repos, encore la faim, la traque, moi le prédateur et vous les proies, le sang, l'absence de sommeil, la faim, toujours la faim, qui nous pousse à. C'est pour ça, ils ne comprennent pas, personne ne comprend, si ce n'est nous, nous qui sommes revenus, de la mort à la vie, et les autres, les Charognards, vous, personne ne comprend, tout le monde s'arrête à ça, le sang, nos ongles dans la peau, la chaire sous nos dent, le sang, la mort, la vôtre, personne ne comprend, personne ne voit, que la faim est plus forte, plus forte que nous, que notre volonté, il le faut, se nourrir, c'est tellement... puissant, incontrôlable, vital, nécessaire. Et irrépressible. Mais à contre-coeur, à contre-dents. Et personne ne le voit, personne ne le comprend, tous sont aveugles et sourds, et les Charognards nous traquent, nous pourchassent.

Alors je me cache, je me terre, dans mon trou à rat, une simple cavité entre deux rochers, le corps contorsionné pour y loger tout entier, dans son obscurité. J'attends. J'attends la nuit. La nuit nous rend plus fort. La lune, les étoiles. Alors je me cache, je me terre. J'attends.

Le jour s'assombrit...




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dimanche 15 novembre 2009

82

Mademoiselle Chat, l'inconditionnelle

dimanche 8 novembre 2009

Triptyque Lost Love

Prologue: C'est quoi ce bordel avec l'amour là ? Comment ça se fait qu'on devient dingue à ce point ? T'imagines le temps qu'on passe à se prendre la tête dessus ? Quand t'es seul, tu te plains: est-ce que je vais trouver quelqu'un ? Quand t'as quelqu'un: est-ce que c'est la bonne, est-ce que je l'aime vraiment, est-ce qu'elle m'aime autant que moi je l'aime, est-ce qu'on peut aimer plusieurs personnes dans sa vie, pourquoi on se sépare, est-ce qu'on peut réparer les choses quand on sent que ça se barre en couilles ? Toutes ces questions à la con qu'on se pose tout le temps... Pourtant, on ne peut pas dire qu'on y connait rien, on est préparé quand même. On lit des histoires d'amour, on lit des contes, on lit des romans d'amour, on voit des films d'amour. L'amour, l'amour, l'amour ! [Romain Duris, Les Poupées Russes]

Si on me demandait ce que je voudrais, là maintenant tout de suite, ma réponse serait simple. Ma réponse est déjà toute prête. Elle est prête depuis environ un mois.
Elle me manque. J'aimerais tellement qu'on se reparle, pendant des heures, comme si on était seuls au monde. Ne rien se cacher, ni se mentir. Ne pas se faire de mal. Comme avant.
Elle me manque tellement...

Ça tombe bien qu'on ait pas pu se voir il pleut on aurait pas pu discuter.
Tu sais il existe des endroits couverts, des endroits à l'abris où on aurait pu, mais c'est marrant toi aussi discuter ensemble c'est dehors au soleil sur un banc tu sais notre banc le banc après le lycée assis et toi à califourchon sur moi et nos baisers et nos caresses et nos je t'aime.

-Dis, tu veux bien me donner 9 mg d'eau, 700 mg d'albumine, 1,7 mg de matières grasses, 0,45 mg de sels, 100 mg de substances organiques, et 250 bactéries ?
-La médecine ça te réussie pas tu sais ? Approche.
Et il l'embrasse.

Combien de fois penses-tu peut-on mourir dans la même vie ?



Interlude 1: Me plantant là comme un souvenir aux allures de promesses trop vite oubliées. [Jean Millemann]


Tu m'as quitté aujourd'hui. J'ai repensé à tout ce qu'on s'était dit, tout ce qu'on s'était promis, tout ce qu'on s'était rêvé. J'ai froncé les sourcils. Tu es partie. Sans un mot sans un regard en arrière sans regrets ça tu me les as laissés je t'en remercie de tout coeur des regrets en souvenirs de toi. Et tes lettres et tes mots dont je suis incapable de m'en débarraser je ne sais pas pourquoi ne me demande pas pourquoi je n'en sais rien je n'y arrive pas c'est trop dur je ne peux pas les brûler ou même les déchirer, ce sont eux tes lettres et tes mots qui me déchirent moi. Tes lettres et tes mots, je les ai relus. A croire que je n'y avais rien compris. Je suis bête moi j'avais compris pour la vie. Nous deux pour toujours pour la vie Ad Vitam Aeternam comme on dit. Et tu es partie.
Tu m'appelais ton magicien, mais la magie seul ça ne dure pas c'est éphémère ça disparaît tu comprends la magie c'est à deux qu'on la fait. Et le miracle a lieu. Mais seul... ça devient la routine, la routine tue l'amour et l'amour passe, c'est comme ça c'est la vie. La vie c'est les désillusions et maintenant on se demande où est passée la magie. Les étincelles n'étincellent plus, les étoiles dans les yeux fondent en larmes, les sourires défigurent, les rires se cassent bye bye et les débris se rammasent à la pelle, tout est faux comme mal joué plus rien n'est vrai n'est beau n'est Nous. Et on se demande où est passée la magie.
Faire les efforts seul pour deux on a cru que ça suffirait mais ça n'a pas suffit tu as dit ça suffit et tu es partie. A faire des efforts seul on finit par s'épuiser. Et quand on est las, fatigué de se battre seul contre les nuages et l'orage et la nuit, et qu'on ne bouge plus, l'autre nous regarde étrangement, et parfois pire parfois l'autre ne nous regarde même pas, mais à chaque fois il fuit. A chaque fois tu fuis donc tu es partie.

Les coeurs se brisent, la vie passe, les anges déchoient, les rayons de soleil se ternent, les guides se perdent, les faiseurs de sourires et de rires pleurent, les magiciens n'ont plus de tours dans leur sac, les amoureux déchantent, et toi et moi...

Je ne dirai plus jamais "pour toujours" parce que "pour toujours" est un mensonge.



Interlude 2: J'ai compris que nous étions en train de perdre la partie. Pourquoi ? Qui en avait décidé ainsi ? Pourquoi n'étions-nous pas assez forts, malgré notre amour que nous avions cru si grand ? Qui nous entraînait vers le vide ? Oh, mon Dieu, comment décrire cette sensation de perdre pied, et de le savoir, et de ne rien pouvoir contre ? [Laurence Tardieu]

Je t'ai retrouvée en fouillant dans le grenier. Je ne sais même plus ce que je cherchais à l'origine, mais je suis tombé sur une caisse en carton, fermée et scotchée, recouverte de poussière, avec "NE PAS OUVRIR" en grandes lettres rouges. J'ai reconnu mon écriture. Ne pas ouvrir. Tu parles. Je l'ai immédiatement fait. Je n'aurai pas dû, si j'avais inscrit ça il y avait sûrement une raison, mais je l'ai fait et je n'aurai pas dû. Je ne me souvenais pas de la boîte, et encore moins de son terrible contenu, je l'avais rejeté de ma mémoire, arraché la page de cet épisode de ma vie. J'ai ouvert la boîte, et je me suis aperçu qu'en fait c'était un chapitre entier que je m'étais arraché. Il m'est revenu en plein visage, comme une voiture lancée à pleine vitesse contre un mur. Le retour du boomerang jeté loin.
J'ai ouvert la boîte, et je t'ai retrouvée dedans. Tous ces restes de toi. Je pensais les avoir brûlés, puis jeté les cendres aux vents. Je pensais m'être débarrassé des preuves, mais non, elles étaient encore là, sous mes yeux. Je t'ai retrouvée. A travers les centaines de lettres que tu m'avais écrites.
J'ai vidé le carton sur le sol, ça a été une pluie de papier, autant tu en avais donc écrit autant, et j'en ai saisi un, la main tremblante, le souffle saccadé. C'est sans doute bête mais je m'attendais à ce que ton écriture ai changé, qu'elle ai vieilli et évolué, en même temps que toi. Evidemment, c'était toujours la même qu'alors. Ecrit au crayon bille, pour que tes mots ne s'effacent pas avec le temps, comme notre amour.

"C'est le jour où je m'en ficherai qu'on ne se soit pas vu depuis une semaine qu'il faudra s'inquiéter".
Ça m'a déchiré le coeur. Ça m'a fait sourire. J'ai pleuré. A ces souvenirs de promesses passées. Oubliées. Pas tenues.
Est-ce que ça y est maintenant on peut s'inquiéter ? Depuis le temps. Est-ce que tu t'es inquiétée quand tu as vu qu'on commençait à s'éloigner, est-ce que tu t'es débattue contre, as-tu seulement faire l'effort de ? Ou as-tu regarder ça avec indifférence, ça n'avait plus d'importance tu étais déjà passé à autre chose, est-ce que pour toi ça ne valait pas le coup de faire l'effort, ne valait-on donc pas la peine, Nous ? As-tu attendu que le miracle vienne de moi ? Mais c'est à deux qu'on lutte contre la marée. Lequel a jeté les armes le premier ? Lequel a lâché la main de l'autre, a dit ça suffit j'arrête, je ne me saignerai plus pour l'autre, je ne me donnerai plus tout entier à l'autre et à Nous, fini de toutes mes forces, cessons de nous battre et débattre, coupons le tuyau d'oxygène, arrêtons de respirer laissons-nous couler laissons-nous crever, lequel ? Est-ce que cela a encore de l'importance maintenant, celui qui nous a tué ?

A vrai dire, je ne sais pas pourquoi je t'écris, je ne comptes pas te revoir. Depuis tout ce temps. Tu imagines, je t'invite au resto. Deux trentenaires assis l'un en face de l'autre autour d'un verre de vin rouge et d'une clope, et toi qu'est-ce que tu deviens ? Onze ans qu'on ne s'est pas vu, qu'on n'a pas eu de nouvelles l'un de l'autre, qu'on n'a pas su ce qui c'était passé dans la journée de l'autre, alors qu'avant, il n'y avait pas un jour où on ne se parlait pas. Onze ans qu'on a fait notre vie chacun de notre côté. Onze années à se raconter. On n'aurait rien eu à se dire.

Je ne sais pas pourquoi je t'écris. Je ne sais pas si tu liras cette lettre, ou si tu la jetteras sans même prendre la peine de l'ouvrir. Je ne sais même pas si tu te souviens de moi, si tu m'as rayé effacé de ta mémoire comme je l'avais fait. Si toi aussi tu as conservé mes lettres, toutes mes lettres. Si toi aussi tu en as un carton rempli. Si toi aussi tu as ce carton dans ton grenier. Si toi aussi tu m'as retrouvé en le fouillant.

Et si toi aussi, alors... OUBLIE MOI A NOUVEAU.



Interlude 3: L'amour n'est pas l'amour s'il fane lorsqu'il se trouve que son objet s'éloigne, quand la vie devient dure, quand les choses changent... Le vrai amour reste inchangé. [Shakespeare]


Epilogue: So don't come back again, we've already seen the story's end. Good night my lady, and a forever farewell.