lundi 26 novembre 2012

Face de Porc s’approcha de la mère, et la petite s’attendit presque à ce qu’il se lèche les babines. Il se colla à elle, son groin humant ses cheveux. Il ne remarquait pas l’odeur infâme, que Salem pouvait pourtant sentir à quelques pas de là. Il rapprocha sa bouche humide contre l’oreille de sa mère, murmurant d’ignobles choses. Salem n’avait pas besoin de les entendre pour le savoir. Il glissa sa grosse main le long de la hanche de la femme, et la referma brutalement sur ses fesses. Sa mère ne réagit pas. Elle semblait éteinte. Résignée. Et cela fit plus de mal à Salem que le geste odieux de Face de Porc. Son cœur se contracta violemment, et elle faillit vomir.
Les soldats autour avaient les babines retroussées et les yeux plissés. Ils s’esclaffaient. Et tandis qu’ils riaient, Salem pouvait voir leurs gencives. Le Couronné d’Épines disait dans son Livre que les hommes dont on voyait les gencives quand ils riaient étaient des hommes à qui on ne pouvait pas faire confiance.
Salem n’était pas comme sa mère. Elle ne laisserait pas les choses se produire de cette façon. Tout cela l’écœurait. Son père répétait souvent que les cochons étaient juste bons à être égorgés. Alors elle se précipita sur Face de Porc et lui sauta dessus, plantant ses petites dents dans son épaule. Elle fut surprise de découvrir sous le doux et luxueux tissu une chair plus dure que ce à quoi elle s’était attendue. Mais au moins Face de Porc s’écartait de sa mère. Il avait l’air presque grotesque, à essayer de se débarrasser de la petite fille accrochée à son dos. Salem mordit jusqu’au sang. Elle se demanda un bref instant si le sang de porc avait le même goût que le sien, puis le monde bascula. On la tirait par les cheveux, et elle partit à la renverse, en arrachant des morceaux de peau avec ses dents. Elle s’écrasa lourdement au sol, et fut légèrement sonnée. Un soldat dégaina son épée, et le soleil s’y refléta un instant, comme un clin d’œil divin.
La bouche de Salem s’assécha, ne laissant qu’un arrière-goût métallique, sec, cuivré, au fond de sa gorge. Elle savait que les soldats n’auraient aucun mal à faire couler son sang sur le sol de sa propre maison, et n’auraient jamais à s’expliquer s’ils en venaient là. D’ailleurs, d’autres hommes avaient tiré leur épée. La tension était palpable, presque solide, lourde. Le point de bascule était atteint, tout pouvait dégénérer.
Le moment resta suspendu quelques temps, terrible. Comme la lame au-dessus de la tête de Salem.
Puis le voile pesant se déchira dans un rire. Face de Porc, encore à moitié surpris un instant avant par l’attaque de la petite fille, se tenait maintenant les côtes, secoué de spasmes incontrôlables, les yeux embués de larmes. Les soldats, déconcertés, hésitèrent. Et ce fut suffisant. Ils rengainèrent leur épée, comme si rien de tragique n’avait failli se produire.
Face de Porc soupira pour se calmer. Son visage était encore rouge, et deux grosses perles humides cascadaient sur ses joues. Il regarda Salem avec un demi-sourire, et le sang de l’enfant se glaça. Ses yeux. Ils étaient si froids, si durs. Les mêmes qu’aurait eu un homme en épargnant un insecte.
Son sourire dévoilait ses dents, et Salem aurait juré qu’il s’agissait de crocs. Elle s’était trompée. Sous cette chair flasque et adipeuse ne se cachait pas un porc, mais une bête calme, vicieuse et terrible. Un loup. Face de Porc était un loup. Et c’était le genre d’homme le plus dangereux qui soit.

mercredi 14 novembre 2012

Où il y a un monstre, il y a un miracle.

"Le bois est plein d'yeux qui brillent, le bois est plein de pieds furtifs, le bois est plein de petits cris, il ne faut pas aller dans les bois la nuit !"

The Magic Wood
-Henry Treece-


lundi 5 novembre 2012

Bonefire Night

"Souviens-toi, souviens-toi de ce 5 novembre, de ces Poudres et sa Conspiration. Souviens-toi de ce jour, souviens-t'en, à l'oubli je ne peux me résoudre."

 
"Bonsoir Londres. Permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes excuses pour cette interruption. J’aime, comme beaucoup d’entre vous le confort du train-train quotidien, le sentiment de sécurité et la tranquillité que procure ce qui est familier et répétitif. Je les apprécie, comme tout à chacun.
Mais dans cet esprit de commémoration qui prévoit que les évènements importants du passé, habituellement associés à la mort d’un individu, ou à la fin de quelque horrible bataille sanguinaire, soit célébré par de sympathiques congés, j’ai pensé que nous pourrions célébrer ce 5 Novembre, jour hélas oublié, en consacrant un court instant de notre vie quotidienne à nous asseoir et à bavarder un peu.
Il existe bien sûr des personnes qui ne veulent pas que nous parlions. Je soupçonne qu’en ce moment même, des ordres sont aboyés dans des téléphones et que des hommes armés vont bientôt se mettre en route. Pourquoi ? Parce que même si l’on peut substituer la matraque à la conversation, les mots conserveront toujours leur pouvoir. Les mots sont le support de la compréhension et pour ceux qui les écouteront l’énonciation de la vérité. Et la vérité c’est que quelque chose va très mal dans ce pays, n’est ce pas ?
Cruauté et injustice. Intolérance et oppression. Et la où, auparavant, vous aviez la liberté de faire des objections, de parler comme bon vous semblait, vous avez maintenant des censeurs, des systèmes de surveillance vous contraignants à la conformité et sollicitant votre docilité.
Comment est-ce arrivé ? Qui est à blâmer ? Bien sûr, il y a ceux qui sont plus responsables que les autres et qui devront en rendre compte mais... Encore dans un souci de vérité, si vous cherchez un coupable, regardez simplement dans un miroir.
Je sais pourquoi vous l’avez fait. Je sais que vous aviez peur. Qui pourrait se vanter du contraire ! Guerre, terreur, maladie. Une myriade de problèmes a contribué à perturber votre jugement et à vous priver de votre bon sens. La peur a pris ce qu’il y a de meilleur en vous. Et dans votre panique vous vous êtes tourné vers Adam Sutler, aujourd’hui Chancelier.
Il vous a promis de l’ordre, il vous a promis de la paix. Tout ce qu’il a demandé en échange, c’est votre consentement silencieux et docile. La nuit dernière, j’ai cherché à mettre fin à ce silence ! La nuit dernière, j’ai détruit le Old Bailey pour rendre la mémoire à ce pays.
Il y a plus de 400 ans, un grand citoyen a voulu ancrer à jamais le 5 Novembre dans nos mémoires. Il espérait rappeler au monde qu’impartialité, justice et liberté sont plus que des mots, ce sont des principes. Alors si vous n’avez rien vu, si vous ignorez toujours les crimes de ce gouvernement, je vous suggère de ne pas commémorer le 5 Novembre.
Mais si vous voyez ce que je vois, si vous ressentez ce que je ressens, si vous désirez ce que je désire, alors rangez vous à mes côtés dans un an à compter d’aujourd’hui devant les grilles du Parlement, et ensemble, nous leurs offrirons un 5 Novembre gravé à jamais dans les mémoires !!"
 
-V-
 
 
 
 
 
 
 
 "Toutes les parties de mon être vont périr. Toutes sauf une. Un détail. Un tout petit détail, fragile, mais qui est la seule chose dans ce monde qui ait de la valeur. Il ne faut jamais le perdre ou l'abandonner. Il ne faut jamais laisser personne nous le prendre. J'espère, qui que vous soyez, que vous vous échapperez d'ici. J'espère que le monde changera et que tout s'arrangera. Et ce que j'espère plus que tout, c'est que vous me comprendrez quand je vous dis que même si je ne vous connais pas, même si je n'ai jamais eu l'occasion de vous rencontrer, de rire avec vous, de pleurer avec vous ou de vous embrasser, je vous aime. De tout mon cœur, je vous aime."
 
-Valérie-

dimanche 4 novembre 2012

"Méfiez-vous des gens dont on dit qu'ils ont le cœur sur la main. Comme ce n'est pas sa place, demandez-vous ce qu'ils peuvent bien avoir à la place du cœur."
- Pierre-Jean Vaillard -