mercredi 26 mai 2010

Au clair de la lune

Nous avons un projet, Mademoiselle Chat et moi. Un merveilleux projet.
Qui, au fil du temps, des discussions et des écrits, voit un peu plus le jour.
Les textes qui suivent n'ont rien de définitifs. Juste pour donner un aperçu.


Mon texte:
-Ouvre Théo, ouvre ! C'est moi !
Le petit poing de Norah martelait la porte. Celle-ci s'ouvrit dans un grincement et l'imposante silhouette de Théo obstrua l'entrée. Le visage de la petite fille s'illumina aussitôt. Elle tendit ses mains et dévoila un petit écrin qu'elle agrippait fortement. Théo s'accroupit pour observer l'objet, demanda à Norah de l'ouvrir et elle s'exécuta. Des sons qui autrefois avaient été une mélodie en sortirent, tordus, syncopés, cassés, comme un bonhomme aux os fracturés qui essaierait maladroitement de marcher. Une grimace tordit les lèvres de Théo. Il marmonna quelque chose dans sa barbe inexistante, et se releva. Ses genoux craquèrent, il grommela.

Il referma la porte d'entrée derrière Norah, et se dirigea d'un pas lent, presque reptilien, vers celle au fond du couloir. Comme à chaque fois qu'elle était venue, toutes les autres portes du corridor étaient fermées, si bien qu'après plusieurs visites elle n'avait vu qu'une seule et même pièce, le sous-sol. Mais ça ne la dérangeait pas, il recelait tellement de merveilles. Théo ouvrit la porte, alluma la lumière et descendit l'escalier. A chaque pas, les marches en bois grinçaient et craquaient sous le poids de Théo sans jamais casser, et Norah les avait assimilés à des cris de bienvenue. Alphonse, le gros matou noir de Théo, se faufila entre les jambes de Norah et manqua de la faire tomber dans l'escalier. Elle pesta et cela sembla amuser le chat. Il ne s'était toujours pas fait à l'idée de devoir partager Théo avec la petite fille, et il comptait garder jalousement l'exclusivité pour lui seul.

Théo fit racler les pieds de la chaise quand il la tira à lui, puis s'assit à son bureau. Il déposa précautionneusement la boîte à musique face à lui, comme si c'était l'objet le plus précieux qu'il ait tenu dans ses mains. Norah, elle, n'en finissait pas d'admirer les étagères qui meublaient le sous-sol réaménagé en atelier. Elles étaient remplies d'objets hétéroclites qui semblaient avoir été rangés ensemble de manière purement aléatoire. Horloges à coucou, grille-pains, machines à coudre, machines à écrire... Des enfants métalliques faits d'engrenages et de rouages jugés dysfonctionnels et abandonnés par leurs parents sur des marchés aux puces ou des vides-grenier et que Théo avait ramené dans sa brouette pour les réparer dans son atelier et les recueillir. Des enfants dont Théo prenait le plus grand soin.
Alphonse bondit sur le bureau et se roula en boule, observant paresseusement la réparation. Théo avait enfilé des lunettes qui lui faisaient d'énormes yeux et dont un oeil avait plusieurs foyers de grossissement afin de voir les plus petits et infimes détails. Il manipulait l'objet de ses gros doigts délicats et habiles, avec beaucoup de dextérité et de précision pour des doigts de cette taille. Il désossa la boîte à musique et ausculta le squelette mécanique mis à nu. De temps en temps il lâchait de petits Oooh d'admiration ou des Rooh de désapprobation. Théo s'empara d'outils que Norah ne connaissait pas et commença l'opération de chirurgie réparatrice. Il était entièrement concentré sur sa tâche mais parlait en même temps qu'il travaillait, sans doute à Norah qui n'était pas sûre de tout comprendre, ou à Alphonse, ou peut-être même bien à un auditoire invisible.
-... et refixer les pièces plus solidairement pour éviter qu'elles entrent en vibration et grésillent, et nettoyer l'axe du régulateur des fibres qui l'encras...
Mais Norah ne l'écoutait pas vraiment, elle préférait l'espionner discrètement. Elle se demandait qu'elle âge il pouvait avoir. Peut-être celui qu'auraient eu ses parents, si seulement...
Théo était recroquevillé sur la boîte à musique, on aurait dit une grosse boule de chair rose et de tissu coloré. Il était tout en rondeurs et en plis. Norah était sûre qu'il cachait des choses dans ses plis, des choses précieuses, et aussi des secrets. Elle trouvait ça formidable qu'il puisse avoir des poches secrètes pour cacher des trésors sur lui. Comme un amour infini, et une adorable gentillesse. Oui, il fallait bien un corps comme le sien pour en contenir autant.

Norah tenait la boîte à musique dans ses mains. Théo, toujours assis sur sa chaise, s'était tourné vers elle. Alphonse sur ses genoux, il lui grattait le sommet du crâne, entre ses deux oreilles. Le chat ronronnait de plaisir. Le regard de Théo ne quittait pas la petite fille.
-Vas-y, ouvre-la.
Le coeur battant à tout rompre, Norah souleva le couvercle de l'écrin. Un doux air en sortit, lent et envoutant, presque magique. Comme une très vieille berceuse. Le son était métallique et pourtant mélodieux. La gorge de Norah se noua. Les larmes envahirent ses yeux sans pourtant couler. Une boule chaude s'enflamma au creux de son ventre et dans la poitrine. Sans vraiment s'en rendre compte, elle ferma les yeux et ses larmes formèrent de grosses perles qui cascadèrent le long de ses joues, et elle commença à fredonner bouche fermée, d'une voix un peu éraillée, la mélodie de la boîte à musique. Un paisible sourire se dessina sur le visage de Norah.
Après un moment qui lui paru une douce éternité, elle rouvrit les paupières, les yeux plantés droit dans ceux de Théo. Elle voulait le remercier, lui faire comprendre toute sa gratitude, lui expliquer que la boîte à musique appartenait à ses parents, et que c'était tout ce qui lui restait d'eux, ça, quelques photos et les histoires de sa grand-mère. Mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Alors elle se contenta de le regarder. Et ce fut suffisant. Car quand on est amis, certains regards en disent plus long que les mots. Il l'attira à lui et la serra dans ses bras. Elle s'enfonça dans la mollesse du corps de Théo, et c'était comme si elle pénétrait dans un nuage moelleux et cotonneux. Elle s'enfonça dans la mollesse du corps de Théo, et s'y perdit.



Le texte de Mademoiselle Chat:
Norah attrapa son sac à dos, grimpa les premières marches de l'escalier et cria à Madeleine qu'elle allait chez Théo. Elle couru tout le long du chemin, traversant l'avenue comme une furie. À la porte, elle frappa et ouvrit d'un même mouvement. Elle appela, le souffle douloureux et soudain fragile : « Théo ? Théo ? », et les yeux fondirent.
Théo déboula, le regard inquiet et l'attrapa au vol.
- Qu'est ce qui t'arrives, petite hirondelle ?
- C'est Nathan, Théo ! J'en peux plus ! Pourquoi, dis pourquoi il a le droit de garder son horrible monstre ?
Théo ne comprenait rien, il la porta jusqu'à l'atelier, l'installa sur ses genoux, sorti sa boîte à gouter et réajusta sa salopette.
- Son monstre ?
Norah se calmait petit à petit, bercée par la chaleur, entourée d'amitié.

- C'est Camélia, enfin tu sais c'est pas du tout un camélia, c'est une plante qui mange. Elle est rouge alors il l'appelle Camélia. Elle ressemble à un verre de Noël avec un pied, et à l'intérieur elle a toujours un liquide mais Nathan m'a juré qu'il ne verse rien dedans.
- Nathan s'occupe seul d'une plante ?
- Oui Madeleine dit qu'il est important qu'il soit responsable d'une vie et qu'on peut lui faire confiance. Au début, c'était pas facile parce qu'il peut pas la garder dans sa chambre Camélia : il lui faut de l'eau dans l'air et de la chaleur alors on la garde dans la salle de bain.
- Et quel âge elle a ?

Théo détournait le sujet, il savait que Norah se prenait souvent au jeu. Il savait qu'elle oubliait ses larmes, ses questions sans réponses en racontant des histoires. Et plus que tout elle prenait du plaisir à lui apprendre des choses qu'il ignorait.

- Je sais pas moi... c'était quand son anniversaire ? il a toujours voulu tout savoir sur ce sujet, sur ces plantes bizarres mais ça doit faire 6 mois qu'il a la sienne et s'en occupe.

En même temps qu'il l'écoutait, Théo sortit les cookies de Madeleine du sac de Norah et les lui tendit. Norah arrêta de martyriser l'attache de sa salopette et commença à picorer ses gâteaux. Elle n'attrapait que les morceaux de noisettes et les pépites de chocolat et faisait croquer le reste à Théo.

- De l'humidité, de la chaleur et qu'est ce qu'elle a besoin d'autre sa Camélia ?

Mauvaise pioche, les yeux se remplirent à nouveau de larmes. Dans un hoquet, Norah craqua et laissa filer ses mots, laissa échapper la raison de sa venue précipitée.

- Ce qu'elle a besoin c'est de manger, Théo. D'habitude elle mange les mouches, elle les attire avec son rouge à lèvres et son puits d'eau naturel et puis elle se referme et les mouches disparaissent. Mais aujourd'hui, enfin tout à l'heure quand j'étais dans mon bain, j'étais sous l'eau et j'ai vu une coccinelle passer au dessus de moi, elle m'a regardé à travers l'eau ! Je crois qu'elle était un peu jalouse de ma mousse et de mon shampoing qui sent la fraise. Je me suis assise pour la regarder mais elle s'est pas arrêté. Elle a filé droit vers Camélia et elle a disparu. Sa plante horrible elle a mangé une coccinelle Théo ! Tu te rends compte ? Une coccinelle ça doit voler et sa plante elle l'a empoisonné !

dimanche 23 mai 2010

"Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités"
-Oncle Ben- Spiderman
(Stan Lee)

lundi 17 mai 2010

dimanche 16 mai 2010